Catégories: Actualités, Editorial
Dans l’avion pour Rome pour assister à la cérémonie de béatification du Pape Jean-Paul II, c’est un peu pour moi la répétition du voyage effectué pour assister dans un moment d’émotion plus intense, à ses obsèques. Jean-Paul II pour toute une génération de croyants symbolisera pour longtemps, cette force : celle qui permet de donner parfois à la vie humaine, une dimension exceptionnelle.
Force de l’action, force de la foi, force de l’amour. .. déclinée sur tous les continents.
Face à l’inacceptable, à l’oppression, à la misère, à la guerre, aux atteintes à la dignité humaine… une voix, une silhouette devenue au fil de son long Pontificat, familière, tant il savait le poids et l’impact de l’image, ce pape qui a vaincu l’oppression a été pour l’essentiel dans la chute du mur, celui qui a divisé trop longtemps cette Europe partagée à Yalta.
Jean-Paul II incontestablement contribua à faire triompher la Liberté, la Vérité !
Mais, il y a une rencontre qui m’a marqué à jamais. Du Pape, j’avais la connaissance de celui approché lors des Journées Mondiales de la Jeunesse à Paris, ou à Tours, mais, c’est en prison qu’il m’a été permis d’approcher l’une des réalités de la personnalité de Jean-Paul II .
Rapporteur, et en mission pour l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, pour rédiger un rapport sur la situation des prisons, rapport qui a précédé la rédaction de la Charte Pénitentiaire, je visitais l’une des prisons en banlieue d’Istanbul lorsque, passant devant l’une des cellules d’un couloir hyper sécurisé, l’un des gardiens qui m’accompagnait me proposait d’entrer dans la celle d’Ali Agca ! Pour moi, ce fut l’étonnement, la stupeur, l’hésitation à répondre tant il représentait à mes yeux « le Diable ». Le souvenir des images de l’attentat de la Place Saint Pierre, en ce mois de mai 1981 me revint à la mémoire.
Débarrassé des gardiens qui m’accompagnaient, assisté de l’interprète et de l’administrateur du Conseil de l’Europe, je décidai de rentrer dans la cellule.
Alli Agca n’ayant visiblement pas beaucoup de visites !, il veut parler et parlera beaucoup ! Dans un état de nervosité qui s’accentua avec l’entretien, il parla du Pape avec un respect, une vénération à faire pâlir les plus fervents chrétiens. Il est comme en « transe », s’efforçant de parler, nous « raconter ». Il exprime son admiration pour celui sur qui il a tiré ! Interrogé par mes soins, il confirme que son geste a été commandité mais il parle et parle toujours et encore du Pape Jean-Paul II. Il semble « habité » par une révélation. Est-ce le fruit de la visite que le Saint Père a effectuée dans sa cellule ?
A la mort du Pape Jean-Paul II, Ali Agca émit le souhait de se rendre aux obsèques. Ni les autorités turques, ni le Vatican n’ont donné suite.
Présent Place Saint Pierre pour les obsèques de Jean-Paul II, devant cette marée humaine et les chefs d’Etats du monde, dans cette foule où les sœurs qui avaient accompagné jusqu’à la fin de la vie le Saint Père, inconsolables, et ces pèlerins qui, dans leur cœur renferment le souvenir, la reconnaissance d’un évènement auquel ils identifient le Pontificat de Jean-Paul II, je ne pouvais m’empêcher de penser à Ali Agca dont la transformation symbolise l’Amour et le Pardon, celui qui libère et rend heureux !
Lors de la cérémonie de ce 1 er Mai 2011 pour la canonisation de Jean-Paul II, je mesurais que sa vie, véritable témoignage de la force de l’Amour et du pardon préalable à toute réconciliation, était plus que jamais d’une actualité brûlante.
Oui, n’ayons pas peur d’être des instruments de paix et d’unité dans un monde qui écrase, broie, anéantit et fait surtout fausse route.
C’est aussi bien plus qu’un message, une exigeante responsabilité qu’ils nous ont donné de partager et de faire triompher !
Michel HUNAULT, Le 10 Mai 2011