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Le rapport annuel de Transparency International sur l’état de la corruption dans le monde, rendu public ces derniers jours, a mis en évidence une réelle disparité au sein même des pays de l’Union Européenne dans la lutte contre la corruption. La France est citée en exemple. Il est vrai que l’arsenal répressif est des plus exigeants, après l’adoption en novembre dernier de la loi de transposition de la convention pénale et de la convention civile contre la corruption du Conseil de l’Europe, qui s’ajoute aux dispositions de la loi de transposition de la convention de l’OCDE, visant à lutter contre la corruption d’agents publics étrangers par les entreprises. A mon initiative, le Gouvernement a accepté l’adoption d’un amendement protégeant le salarié qui dénonce un acte de corruption au sein de son entreprise.
La lutte contre la corruption est une exigence, la bonne gouvernance est la condition de la confiance et d’une libre et saine concurrence. La transparence, la traçabilité des mouvements financiers se sont accompagnés d’une refonte des modes d’administration et d’organisation des grands groupes industriels et financiers : banques, assurances…
La lutte contre la corruption a aussi une réelle dimension politique. Les scandales minent la crédibilité et la confiance. Au delà de la prévention et de la lutte contre la corruption, la France s’est engagée à lutter contre le recyclage de l’argent sale. La loi de mai 1996 a créé un délit de blanchiment aux contours certes incertains, mais responsabilise l’ensemble des professionnels et acteurs du monde économique aux premiers rangs desquels les banques.
Au moment où la France présidera l’Union Européenne, je veux émettre le vœu que l’Ethique et l’exigence de bonne Gouvernance symbolisent à l’avenir l’Europe, au même rang que les valeurs de démocratie et des droits de l’homme. Cela nécessite des initiatives concrètes. La France se doit de transposer la troisième directive de l’Union Européenne contre le blanchiment. L’ensemble des professionnels, et le secteur bancaire en particulier, l’ont anticipé, mais trop d’incertitudes demeurent.
L’Union Européenne, sous l’impulsion de la Présidence française, se doit de conforter les institutions de veille, de contrôle et de sanction, à l’image du GAFI et du service de lutte contre la corruption.
La France se doit aussi d’être à la pointe du combat contre les centres off – shore et les paradis fiscaux, qui au cœur même de l’Europe, sont le refuge de l’économie criminelle organisée. A quoi sert de lutter contre la drogue, l’immigration clandestine, et la fraude, sans réels moyens de geler les produits des trafics ? Cette exigence de traçabilité est aussi un élément de la sécurité de l’Europe, car elle englobe la lutte contre le financement du terrorisme.
L’efficacité de cette lutte implique une accélération d’un véritable espace européen de la justice et du droit afin de donner aux magistrats les moyens de mener à bien leurs investigations, car ils se heurtent trop souvent au secret bancaire, à l’absence d’harmonisation des incriminations…
Enfin, la France doit concilier ce combat pour l’éthique avec la défense de nos industries et de nos entreprises. Confrontée à la concurrence internationale, dans une économie mondialisée, les entreprises françaises ont un savoir faire qui rivalise avec les meilleures. Mais elles se heurtent à des pratiques combattues en France, et cependant tolérées dans de nombreuses régions du monde, ce qui leur ferme l’accès à certains marchés. Ceci est d’autant plus intolérable lorsque d’autres pays européens se réfugient derrière le secret défense. L’affaire « BEA System» chez nos voisins britanniques en est une malheureuse illustration.
L’enquête visant le groupe aéronautique britannique soupçonné de corruption, lors de la vente d’avions de combats à l’Arabie Saoudite avait été annulée « au nom de l’intérêt général du pays ». Malgré les observations de l’OCDE, les britanniques n’ont pas modifié leur loi anti- corruption, très permissive pour les contrats classés « secret défense ».
La lutte contre la corruption, est donc l’enjeu d’une nécessaire harmonisation européenne. Si elle est une exigence morale, elle doit également viser à préserver la compétitivité de nos grands groupes industriels français. Il en va de leur avenir et de la sauvegarde des emplois.
Le Conseil de l’Europe vient de débattre à Strasbourg de l’Etat de droit et de la démocratie dans les pays européens. L’Ethique, la bonne gouvernance, la lutte contre le blanchiment et la corruption sont des exigences que la France se doit, dans le cadre de la Présidence de l’Union, de faire progresser.
Michel Hunault, le 30 Juin 2008
Rapporteur de la loi contre le blanchiment et la corruption
Membre du Conseil de l’Europe