Réforme des Collectivités Territoriales

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2009-2010



Compte rendu
 intégral

Deuxième séance du mercredi 2 juin 2010 

Réforme des collectivités territoriales

Suite de la discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat 

Discussion des articles


Article 35

M. Michel Hunault. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, réformer les collectivités locales sans prévoir une clarification des compétences n’aurait pas eu de sens. Il était donc indispensable d’avoir dans ce texte un titre IV visant à clarifier leurs compétences.

Mais un certain nombre de questions sont légitimement posées de part et d’autre de l’hémicycle, tout à l’heure sur la politique de la ville, à l’instant sur la politique du tourisme. Examinons déjà ce qui a été acté en commission des lois, sous l’autorité du président Warsmann, à l’écoute du rapporteur et surtout de M. le secrétaire d’État : pour les communes de moins de 3 500 habitants, la clause de compétence générale est maintenue, y compris dans deux secteurs d’activité et d’intervention non négligeables, notamment pour les petites communes, la culture et le sport ; pour les autres, le projet prévoit une clarification des compétences.

Un certain nombre de spécialistes se sont exprimés avant moi : le président Queyranne a expliqué l’importance pour la région d’être compétente en matière d’interventions économiques. Je le rejoins sur ce point. Il a évoqué la politique particulièrement dynamique de sa région en matière de prospective économique, et ses propres déplacements à l’étranger, notamment en Asie, mais faut-il permettre aux départements composant sa région de décliner à leur niveau une telle politique ? Les articles 35 et suivants donnent déjà des pistes sur ce que sera le projet de loi : le département sera « garant des solidarités sociales et territoriales » ; quant à la région, elle aura plutôt en charge « le financement des opérations d’envergure régionale » – article 35 ter . Mais vous n’imposez rien, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, puisqu’il est précisé, à l’article 35 bis, qu’un « projet de schéma d’organisation des compétences » sera établi.

Nous avons intérêt, pour éviter les incompréhensions, à lire d’abord ce qui figure dans le projet de loi. Les élus seront responsables de la répartition des compétences. On est en train de faire de la sémantique, mais, dans la réalité, chacun voit bien que certaines compétences seront dévolues soit à la région, soit au département. Au bout de trente ans de décentralisation, peut-on encore admettre que dans la même cité scolaire, l’école soit de la compétence de la commune, le collège relevant de celle du département et le lycée de celle de la région ? Est-il déraisonnable de souhaiter une rationalisation du dispositif ?

En revanche, dans d’autres cas, la répartition des compétences touchant au même domaine est efficace : en matière de transports, les lois de décentralisation ont conféré à la région la compétence concernant les TER, les agglos sont compétentes en matière de tramways, et le département s’agissant du transport scolaire. Mais nous sommes amenés à créer des syndicats regroupant les différentes autorités organisatrices de transports afin de pouvoir établir des billetteries uniques et d’harmoniser les tarifs. Demain, qu’une de ces collectivités soit chef de file au regard de la répartition des compétences permettra de rationaliser et d’optimiser la dépense publique.

Réformer les collectivités territoriales sans essayer de clarifier les compétences n’aurait donc, je le répète, pas eu de sens. Je rappelle qu’au regard de ce qu’a apporté la décentralisation en matière d’équipements dans nos communes, qui ont toutes été frapper à la porte du département et à celle de la région, on voit bien que l’immensité des réalisations n’aurait pu avoir lieu s’il n’y avait eu que l’État car celui-ci n’a pas les moyens de répondre à l’immense attente de nos territoires et des populations.

Certes, je suis d’accord, l’article 35 interpelle et suscite des interrogations. Des réponses très concrètes ont déjà été apportées en commission. Et puis, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il faut que vous teniez bon sur cette exigence de clarification car, notre excellent collègue président de région l’a montré, il faut un chef de file pour l’implantation d’une zone artisanale ou d’une zone économique, ou pour harmoniser les compétences en matière économique. Les présidents de région présents dans cet hémicycle le savent d’autant mieux que face à la crise économique que nous avons traversée, ils ont souvent décliné au niveau régional le plan de relance que nous avions voté ; de même, quand nous avons créé des outils nouveaux tels que le fonds stratégique d’investissement, ils les ont souvent optimisés dans leur région. Les départements, eux, ne l’ont pas fait. Il est donc urgent de clarifier les compétences. L’article 35 soulève des questions, mais les articles 35 bis , ter et quater donnent des pistes sur ce que sera le futur projet de loi ; ils constituent des éléments de réponse aux craintes légitimement exprimées.

 

Article 35 bis

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, n os 232, 437 et 509, visant à supprimer l’article 35  bis .

La parole est à M. Bernard Derosier, pour soutenir l’amendement n° 232.

M. Bernard Derosier. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault, pour soutenir l’amendement n° 437.

M. Michel Hunault. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 509.

M. André Chassaigne. C’est un amendement anti-RGPP, et je tiens à le défendre. Le schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services de la région et des départements arrive après le schéma départemental de coopération intercommunale.

Ce qui s’appelait auparavant un plan s’appelle maintenant un schéma – peut-être est-ce un effet de la novlangue néolibérale ? Il devra prévoir les délégations de compétence de la région aux départements et des départements à la région. Il portera sur les compétences relatives au développement économique, à la formation professionnelle, à la construction et à l’entretien des collèges et lycées.

Messieurs les ministres, est-il destiné à remplacer in fine la fameuse loi de répartition des compétences qui était censée être présentée d’ici un an, mais qui semble mort-née ? Ainsi, votre article 35  bis dispose que les collectivités sont compétentes dans les domaines que la loi leur attribue, mais il autorise aussi les délégations de compétence entre collectivités ou vers les EPCI. Allons-nous vers des compétences au cas par cas où les domaines d’attribution varieraient d’une région à l’autre, d’un territoire à l’autre, avec des découpages différents ?

Quoi qu’il en soit, l’objectif d’un tel schéma est clair : le rapport précise que « Les doublons administratifs pourront ainsi être limités, et des économies substantielles obtenues dans le fonctionnement des collectivités territoriales intéressées ».

En clair, cela permettra de supprimer des postes d’agents municipaux, d’agents territoriaux, et par conséquent de continuer la destruction de l’emploi public menée par ce gouvernement malgré la crise, tout cela sans garantie d’efficacité, et même avec des risques importants de désorganisation des services et de sous-administration de nos institutions locales.

Pour ces diverses raisons, vous comprendrez, mes chers collègues, que je vous appelle à voter à l’unanimité la suppression de l’article 35 bis .

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Perben, rapporteur . Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural. Même avis.

(Les amendements identiques n os 232, 437 et 509 ne sont pas adoptés.)

 

Article 35 quater 

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Nous avons intérêt à la précision, et vous l’avez apportée, monsieur le ministre. Vous avez rappelé que, aux termes de votre amendement, les communes de moins de 3 500 habitants peuvent bénéficier de financements croisés. Et vous avez ajouté les EPCI de moins de 50 000 habitants.

On peut concevoir que, dans les communes de plus de 3 500 habitants, des investissements d’envergure seront portés par l’EPCI. Si l’EPCI porte le projet, il pourra bénéficier de financements croisés. Il ne faut donc pas faire de faux procès au Gouvernement. La précision qu’il a apportée est très importante, parce qu’elle va concerner 90 % des investissements qui sont réalisés dans notre pays.


Rappel au règlement

M. Michel Hunault. Je ne veux pas faire de procès d’intention au rapporteur, mais lui poser une question.

J’ai essayé de lire attentivement l’amendement.

Que se passe-t-il au moment des élections législatives ? Nous avons entre quatorze et vingt candidats en moyenne par circonscription. Des partis politiques se constituent le temps d’une élection, qui, pour bénéficier d’une partie de l’argent public – je parle sous le contrôle du rapporteur –, ils présentent des candidats dans un certain nombre de circonscriptions. De temps à autre, ils franchissent le seuil des 1 % des suffrages et s’il y parviennent plusieurs dizaines de fois, ils perçoivent une dotation.

Si je comprends bien, vous voulez reprendre le même système pour les conseillers territoriaux. Il m’avait pourtant semblé qu’il fallait garder, du fait mode d’élection proposé par la majorité pour le conseiller territorial, un lien entre le conseiller territorial et le canton redéfini. Voilà que vous proposez le même système que pour les élections législatives. Tout porte à croire que nous allons voir se multiplier les candidatures émanant de partis politiques qui se seront constitués le temps d’une élection, non pas pour 577 circonscriptions, mais pour les 5 600 élus prévus dans le cadre de ce projet de loi !

Est-il souhaitable de reprendre pour l’élection des conseillers territoriaux le système de la part de financement public exigé pour les élections législatives ?

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Perben, rapporteur . Monsieur Hunault, cette aide ne sera accordée qu’aux partis qui auront présenté au moins 350 candidats ayant recueilli chacun au moins 1 % dans quinze départements différents. Nous avons fixé la barre relativement haut pour éviter les inconvénients que vous avez décrits. Cela dit, vous le savez, il n’y a pas de système sans inconvénient : lorsque nous avons heureusement mis en place, voilà quelques années, un dispositif d’aide publique à la vie politique, nous savions que des petits malins essaieraient d’en profiter place pour financer leur train de vie. Nous devons tout faire pour limiter ces dérives ; nous pourrons rediscuter des chiffres en deuxième lecture. Mais en plaçant la barre à 350 candidats, ayant obtenu au moins 1 % chacun des suffrages dans quinze départements différents, nous rendons les choses plus compliquées.

……….

Après l’article 36 A (suite)

 Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Je remercie le rapporteur pour les précisions qu’il a apportées. L’amendement n° 599 rectifié a pour objet de favoriser l’objectif constitutionnel d’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs. Nous avons été nombreux, pendant la discussion générale, à reprocher au Gouvernement d’avoir retenu un mode d’élection qui remettait en cause la parité. L’amendement du rapporteur répond précisément à cette objection. Je prends acte de cette proposition. Si nous adoptons cet amendement, cela nous permettra en seconde lecture d’améliorer une disposition notamment pour ce qui concerne les seuils que vous avez retenus. Je souhaiterais que nous discutions et que nous mettions cet amendement aux voix.

Nous avons eu un débat de qualité et nous avons travaillé six jours et six nuits sur un texte qui méritait beaucoup d’attention. Il serait dommage que, au prétexte de cet amendement, la discussion n’aille pas jusqu’au bout.