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Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008
Compte rendu intégral
Première séance du mardi 25 septembre 2007
Contrôleur général des lieux de privation de liberté
Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (nos 114, 162).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Hunault.
M. Michel Hunault. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au nom du groupe du Nouveau Centre, je voudrais saluer l’initiative du Gouvernement d’inscrire à l’ordre du jour de cette session extraordinaire cet important projet de loi : l’instauration d’une instance indépendante de contrôle des lieux privatifs de liberté était attendue depuis longtemps par le Parlement. Je saluerai aussi le travail de notre rapporteur, Philippe Goujon.
Avec ce texte, madame la garde des sceaux, vous concrétisez les recommandations de l’organisation des Nations unies, mais également du Conseil de l’Europe, dont les nouvelles règles pénitentiaires, établies en janvier 2006, préconisent l’instauration d’un contrôle indépendant. Mais votre projet de loi va encore plus loin car vous étendez les compétences de cette instance indépendante à l’ensemble des lieux privatifs de liberté.
Dans votre discours liminaire, vous avez marqué votre volonté d’ouverture en déclarant que vous seriez à l’écoute des amendements dont nous discuterons. Vous avez eu raison de mettre l’accent sur la volonté commune qui nous anime, au-delà des clivages. Depuis dix ans, notre assemblée, à travers les travaux de ses commissions d’enquête et ses propositions de loi cosignées par l’ensemble des forces politiques qui la composent, a démontré la nécessité d’un contrôle de l’ensemble des lieux privatifs de liberté. Le temps où les députés n’avaient pas le droit d’aller en prison n’est pas si loin, c’est une faculté qui leur a été récemment donnée.
M. Noël Mamère. Je n’ai eu qu’une peine de trois mois avec sursis ! (Sourires.)
M. Michel Hunault. Par « aller en prison », j’entendais, bien sûr, « visiter les établissements pénitentiaires » – M. Mamère le comprendra bien, lui qui est l’un des artisans des propositions de loi visant à l’instauration de ce contrôle indépendant.
Permettez-moi d’insister à présent, madame la garde des sceaux, sur le contenu de la mission du Contrôleur général. Vous avez mentionné le rôle du Médiateur de la République, à qui, dans certains pays d’Europe, la mission de contrôle est confiée. La piste d’un renforcement des pouvoirs du médiateur, envisagée, je le crois, par votre prédécesseur Pascal Clément, aurait pu être envisagée. Mais vous avez voulu aller plus loin, et c’est tant mieux, en étendant la mission de contrôle à tous les lieux privatifs de liberté.
Encore faudrait-il ne pas passer à côté de l’objectif que nous voulons assigner au contrôleur, qui ne doit pas être un simple visiteur. Dans certains pays européens – je pense notamment à la République tchèque –, la personne chargée du contrôle peut exercer les pouvoirs qui lui sont conférés dans toute leur plénitude, au bénéfice des détenus comme de l’administration pénitentiaire. Cette dernière, en France, est d’ailleurs tout à fait favorable à ce qu’il y ait un contrôle dans les prisons.
Mais sur quelle base s’appuiera le contrôle ? Au nom de mon groupe, j’ai proposé que ce soient les règles pénitentiaires réactualisées établies par le Conseil de l’Europe en janvier 2006 qui servent de référence. Le rapporteur de la commission nous a répondu que celles-ci n’avaient pas force juridique. Je le rejoins sur ce point, mais le droit est le dernier rempart contre l’arbitraire. Il faudra bien que le contrôleur se fonde sur des règles pour déterminer dans son rapport dans quelle mesure il y a eu des manquements, lesquels auront justifié son intervention auprès de l’administration pénitentiaire. Dans le cadre de la discussion des articles, ce sera un point important à soulever.
Autre proposition du groupe Nouveau Centre : la création d’un corps indépendant aux côtés du Contrôleur général, au regard de l’immensité de sa tâche. Vous avez précisé tout à l’heure, madame la garde des sceaux, qu’il aura la faculté, soit par contrat de droit privé, soit par détachement, de recruter des collaborateurs. J’en prends acte. Pour notre part, nous envisageons une autre solution. Dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, vous entendez rationaliser l’action de la justice avec une cour d’appel par région. Selon le même principe, nous proposons qu’il y ait un représentant identifié du Contrôleur dans chacune des vingt-deux régions.
En outre, il faut donner la plus grande liberté possible au Contrôleur et des moyens d’agir. Il n’est pas l’ennemi de l’administration pénitentiaire. Son rôle est, selon la finalité du projet que vous avez rappelée, de veiller à ce que la sanction, c’est-à-dire la privation de liberté, ne devienne en aucun cas atteinte à la dignité de la personne privée de liberté. Ce souci d’humanité n’est pas contradictoire avec l’exigence de sévérité.
L’examen de ce projet de loi doit être encouragé, d’autant que vous avez bien précisé qu’il constituait une première étape. Nous aurons l’occasion de débattre à nouveau de ces questions lors de l’examen du projet de loi pénitentiaire, que vous comptez déposer au mois de novembre, ainsi que du projet de loi de finances pour 2008. La justice sera l’une des priorités du budget de la nation.
Voilà une étape décisive, qui est la concrétisation de recommandations faites par les parlementaires depuis dix ans ainsi que par les institutions internationales, en particulier le Conseil de l’Europe. Pour avoir été chargé par cet organisme de plusieurs rapports sur la situation dans les lieux privatifs de liberté, j’ai pu mesurer la nécessité d’un rempart contre l’arbitraire. Le rôle dévolu à un contrôleur indépendant doit lui permettre de gagner en crédibilité. À cet égard, je souhaiterais qu’il vienne chaque année devant le Parlement rendre compte de ses travaux. Nous devons lui donner les moyens de son action. C’est l’exigence d’humanité qui peut nous rassembler aujourd’hui : c’est à l’honneur du Gouvernement et c’est à l’honneur de votre action, madame la garde des sceaux, action que les députés du Nouveau Centre appuieront tout au long de cet après-midi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)