Création du Défenseur des Droits

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2010-2011



Compte rendu
 intégral

Deuxième séance du mardi 11 janvier 2011

Défenseur des droits

Suite de la discussion d’un projet de loi organique 
et d’un projet de loi

Discussion générale

M. Michel Hunault. Au nom de mes collègues du Nouveau Centre, je voudrais rendre hommage aux institutions indépendantes, souvent évoquées ce soir. Le Défenseur des droits a été voulu par le constituant, et la loi organique que nous étudions ce soir découle d’un vote des parlementaires réunis en congrès à Versailles. La Constitution comporte désormais un titre spécifique qui renforce cette institution.

L’objectif du constituant était de conforter, par cette identification dans la Constitution, le Défenseur des droits, et de faire en sorte que les autorités indépendantes que l’on va rassembler en soient renforcées.

Au cours des motions préalables défendues par l’opposition, j’ai entendu des interrogations légitimes. Nous, parlementaires, sommes tous particulièrement attachés à ces autorités indépendantes. Je veux rendre hommage au Médiateur de la République, saisi par les parlementaires. Je souhaite également rendre hommage au Contrôleur général des prisons, institué par cette majorité en application des recommandations du Conseil de l’Europe afin de créer une autorité indépendante pour contrôler tous les lieux privatifs de liberté. Je n’oublie pas le Défenseur des enfants. Nous proposons un texte qui réunit en la personne du Défenseur des droits toutes ces autorités indépendantes.

Je le dis à mes collègues de la majorité, je n’ai pas aimé l’intervention de l’un de ceux qui m’ont précédé faisant le procès de certaines de ces autorités. La HALDE a fait un travail remarquable, Louis Schweitzer a été un président qui a donné tout son sens à l’institution. Il suffit d’examiner avec attention les rapports annuels des différentes autorités indépendantes pour remarquer le rôle considérable et le travail qui a été effectué pour la protection des droits de nos concitoyens.

J’ai sous les yeux le dernier rapport du Défenseur des enfants. À sa lecture, on peut s’interroger sur la suppression de cette institution. Mais dans le texte proposé, la défense des enfants est considérablement renforcée. Le Défenseur des enfants reste clairement identifié. Il a autorité de rang constitutionnel, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La Constitution donne au Défenseur des droits une compétence élargie en matière de protection des droits et libertés : il regroupera non seulement les compétences du Défenseur des enfants, du Médiateur de la République mais aussi celles de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, de la HALDE et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le Défenseur des enfants reste le seul adjoint nommément identifié, il convient de le rappeler au vu du procès intenté à ce texte. Cela lui confère une visibilité forte, puisque le Sénat a souhaité que cette visibilité soit garantie. Il est donc proposé de maintenir cette identification.

Le Gouvernement entend lui aussi préserver la spécificité et la visibilité de la mission de défense et de promotion des droits de l’enfant. La valeur constitutionnelle du Défenseur des droits conférera une autorité plus grande à ses interventions qu’aujourd’hui. Objectivement, c’est donc un progrès et non une régression que le ministre nous propose.

Concernant le Défenseur des droits, il dispose de moyens d’action élargis par sa mission de défense des droits de l’enfant. Le Défenseur des droits disposera de tous les pouvoirs du Défenseur des enfants, il pourra alerter sur des cas individuels ou collectifs, proposer des modifications de la réglementation, sensibiliser l’opinion. Il disposera de surcroît de pouvoirs supplémentaires qu’il n’a pas actuellement lui permettant d’agir directement et rapidement à l’encontre de tous ceux qui méconnaissent les droits des enfants et qui leur portent atteinte. En effet, il disposera de pouvoirs d’injonction, de saisine des autorités disciplinaires, et d’intervention en justice. Il bénéficiera de moyens d’investigation comprenant un droit d’accès à des locaux, même privés. Les entraves à ses actions seront pénalement sanctionnées. Il pourra ainsi intervenir dans toutes les hypothèses, que la méconnaissance des droits des enfants soit le fait d’une administration ou d’une personne privée. Il sera par ailleurs assisté d’un collège spécialisé en matière de droits de l’enfant. Concernant sa saisine, l’article 5 du projet de loi organique est très clair : les enfants pourront saisir directement le Défenseur des droits. Je crois, monsieur le ministre, qu’après l’intervention de mes collègues de l’opposition, il n’était pas inutile de rétablir ces quelques vérités.

Concernant le Contrôleur des lieux privatifs de liberté, mes collègues de l’opposition font encore un procès d’intention à l’exécutif concernant les modalités de nomination du Défenseur des droits. Lorsque le Contrôleur des lieux privatifs de liberté a été désigné, ce n’est pas une personnalité engagée politiquement qui a été retenue, mais une personnalité connue pour sa compétence. Si l’on devait s’interroger sur son appartenance politique, il n’est pas certain qu’il soit proche de notre majorité.

Ce sont donc les deux commissions des lois des deux assemblées qui ont ratifié cette nomination. Pascal Clément l’a rappelé : au vu de la liste des personnalités qualifiées proposées par le Président de la République et ratifiées par notre assemblée, la majeure partie des personnalités proposées n’est pas du même bord politique que la majorité.

Souffrez que nous exprimions une opinion différente de la vôtre, cher collègue.

Concernant le fond de ce dossier, nous sommes dans l’application de la révision de la Constitution. À la lecture des comptes rendus des travaux de notre assemblée du mois de mai 2008, c’est l’opposition qui a été le meilleur défenseur de la révision constitutionnelle. Et si l’opposition n’avait pas, à l’époque, apporté son soutien à cette révision de la Constitution, elle n’aurait pas été adoptée. Mais à l’approche des échéances de 2012, il faut s’opposer à tout prix. Vous voulez faire dire au texte des choses qu’il ne dit pas : permettez-moi de rectifier un certain nombre d’inexactitudes et de souligner que nous sommes tout autant attachés que vous au rôle des autorités indépendantes qui vont ainsi être réunies autour d’une seule autorité.

Le travail de la commission des lois a été particulièrement important, car nous avons souhaité identifier les différentes missions des autorités fondues dans le Défenseur des droits en leur attribuant un collège spécifique. Ces missions seront confortées et non pas supprimées, contrairement à ce que vous voulez faire croire.

Un amendement présenté en commission des lois visait à prévoir la pérennité du Contrôleur des lieux privatifs de liberté. À titre personnel, j’aurais préféré que l’on maintienne le Contrôleur général des prisons.

Je fais partie de ceux qui avaient souhaité, au cours des travaux parlementaires, que le Gouvernement fasse voter la création d’une telle institution, conforme aux recommandations européennes. En effet, cela concerne non seulement les prisons mais également tous les lieux privatifs de liberté, les lieux de garde à vue, les lieux d’enfermement psychiatrique…

La discussion des amendements permettra à chacun d’évaluer s’il est efficace de fondre cette autorité indépendante dans le Défenseur des droits ou s’il est préférable d’en assurer la pérennité.

En conclusion, je voudrais dire que je trouve quelque peu désobligeante la tournure prise par le débat dans cet hémicycle à l’occasion de la défense des motions déposées par nos collègues de l’opposition.

Je regrette également certaines prises de position dans la presse nationale et le mauvais procès que certains veulent nous faire à propos de la création du Défenseur des droits.

En effet, ainsi que vous l’avez rappelé cet après-midi, monsieur le garde des sceaux, ces trois années de présidence de Nicolas Sarkozy ont permis – et c’est cela qui vous déplaît, chers collègues de l’opposition – une progression de la défense des libertés et des droits.

Qui a fait voter la question prioritaire de constitutionnalité qui permet aujourd’hui à un justiciable de saisir le Conseil constitutionnel s’il considère que la loi à partir de laquelle on fonde des droits et des obligations n’est pas conforme au texte suprême ?

C’est cette majorité qui a fait progresser le droit. Le Conseil constitutionnel a ainsi rendu près d’une centaine de décisions. Pas plus tard que la semaine prochaine, nous serons amenés à nous réunir dans cet hémicycle pour adopter une nouvelle réglementation sur la garde à vue pour faire en sorte qu’elle soit conforme non seulement aux droits élémentaires prévus dans la Constitution mais également à la Convention européenne des droits de l’homme.

Considérant que ce texte sur le Défenseur des droits constitue une nouvelle étape dans la défense des droits et des libertés les plus essentiels, le groupe Nouveau Centre, en l’état actuel des choses, exprime un a priori favorable. Nous réfléchirons, à l’occasion de la discussion des amendements, sur l’opportunité ou non de pérenniser le contrôleur général des prisons. Nous en reparlerons.

Pour le reste, je pense que les garanties apportées sont suffisantes pour aborder cette discussion avec confiance et surtout pour ne pas faire dire à ce texte ce qu’il ne dit pas. On voit bien que l’opposition, qui a permis de faire voter la réforme de la Constitution, essaie aujourd’hui de s’opposer à tout prix.

Cela constitue une entorse à la logique, mais nous avons l’habitude. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)