Catégories: Assemblée Nationale, Collectivités Territoriales, Interventions en réunion de commission
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Mardi 24 novembre 2009
Séance de 10 heures
Compte rendu n° 20
Simplification et amélioration de la qualité du droit
M. le rapporteur. L’article 79 énumérant les groupements existants soumis au nouveau statut n’a pas appelé d’observations particulières, non plus que l’article 80 fixant un délai de deux ans pour l’adaptation des conventions constitutives. A l’article 81 qui énumère les groupements régis par des dispositions propres, nous avons procédé à quelques ajouts et exclu les GECT – groupements européens de coopération territoriale. Conformément à l’avis du Conseil d’État, un amendement sera présenté qui introduit une clause de sauvegarde permettant d’appliquer le régime des GIP à titre subsidiaire. L’article 82 traitant de l’application outre-mer de l’ensemble de ces dispositions n’a pas appelé d’observation particulière.
Le chapitre III regroupe toutes les dispositions de simplification du droit de l’urbanisme. L’article 83 réforme et simplifie le droit de préemption urbain (DPU) et le droit de préemption dans les zones d’aménagement différé (ZAD), aujourd’hui soumis aux incertitudes de la jurisprudence administrative.
Désormais, un droit de préemption urbain au sens strict ne pourra plus s’exercer que dans les zones urbaines ou à urbaniser, mais les communes pourront instituer des périmètres de protection dans les zones non urbaines actuellement couvertes par le DPU, comme les zones de prélèvement d’eau destinée à l’alimentation, les zones stratégiques pour la gestion de l’eau ou les zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques. Les ZAD sont, quant à elles, remplacées par des périmètres de projet d’aménagement qui pourront être institués soit par l’État, soit par les communes ou des établissements publics de coopération intercommunale. Périmètres de protection et périmètres de projets d’aménagement auront une durée de validité de dix ans, renouvelable.
Le droit de préemption urbain renforcé est supprimé : il ne sera plus nécessaire de prendre une délibération motivée pour préempter les biens concernés. La saisine du juge de l’expropriation pour fixer le prix est elle aussi supprimée : la commune ne pourra acheter qu’au prix indiqué par le propriétaire dans sa déclaration d’intention d’aliéner.
Les modalités d’exercice de tous les droits de préemption sont simplifiées. La déclaration d’intention d’aliéner comportera davantage d’éléments afin que la commune dispose de plus d’informations, notamment d’une description plus précise de l’immeuble en vente. Le transfert de propriété n’interviendra qu’une fois le prix payé, de façon à éviter des procédures de rétrocession complexes. En contrepartie, l’obligation de consigner 15 % du prix est supprimée.
Les conditions d’utilisation des biens préemptés sont assouplies. La personne publique pourra les affecter à un autre usage que celui prévu initialement, à condition que cet usage nouveau entre dans les critères du droit de préemption énumérés à l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme.
Le droit de délaissement est supprimé dans le cadre du DPU, mais renforcé dans les périmètres de protection et de projet d’aménagement. Il est aligné sur le droit de délaissement dans les espaces réservés. Le propriétaire pourra imposer à la puissance publique d’acheter son bien et celle-ci lui devra une indemnité de réemploi.
M. Jacques Valax. Dans la mesure où n’y aura plus de saisine du juge de l’expropriation, n’y a-t-il pas danger que deux personnes privées s’entendent sur un prix manifestement exorbitant et qu’une commune souhaitant préempter le bien ne soit dès lors obligée de payer ce prix-là ? Je m’étonne dans le même temps que la décision de préemption n’ait plus à être motivée, le critère « d’intérêt général » étant très vague. On me semble à la fois manquer de prudence et accorder une trop grande liberté d’expropriation aux communes. Au total, je comprends mal la philosophie du texte.
M. le rapporteur. Dans le cas d’un périmètre de protection ou d’une zone d’aménagement, il sera toujours possible de saisir le juge de l’expropriation. Ce n’est que dans les autres zones que pourrait se poser le problème que vous soulevez. J’ai pris soin de consulter le président de l’Association des maires de France qui n’a pas exprimé d’inquiétude particulière sur ce point. Les représentants des notaires, que nous avons reçus, nous ont également assuré que le risque de tricherie était minime car il faudrait que l’acheteur s’acquitte effectivement du prix surévalué qui serait demandé et paie les droits de mutation afférents, proportionnels à ce prix.
Pour le reste, les conditions d’exercice du droit de préemption, fixées à l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme, ne sont pas modifiées en profondeur. Mais aujourd’hui, les projets des collectivités sont par trop bridés. En effet, la jurisprudence actuelle veut qu’en cas de changement d’affectation par rapport au projet initial, la vente puisse être annulée. Cela ne sera plus possible demain. Une commune qui aura préempté un terrain pour réaliser une école pourra construire à la place un autre équipement public.
M. Jacques Valax. Pourquoi dans ces conditions ne pas tout simplement modifier l’article L. 210-1, en disant que l’intérêt général prévaut, sans que la décision ait à être spécifiquement motivée ?
M. le président Jean-Luc Warsmann. Notre objectif est de réduire le nombre d’annulations de décisions de préemption. Il faut à la fois garantir le respect du droit de propriété et permettre aux collectivités de conduire en toute sécurité juridique des projets dans l’intérêt général. Une commune pourra exercer son droit de préemption urbain de manière très générale sur l’ensemble de son territoire, quel que soit le motif d’intérêt général répondant aux critères prévus dans la loi – elle pourra même changer de projet en cours de route pourvu que le nouveau y réponde également. En contrepartie de cette grande liberté, elle ne pourra pas porter atteinte au droit de propriété et devra s’acquitter du prix demandé par le vendeur. En revanche, en cas de projet comme le réaménagement total d’un quartier comportant la réalisation d’équipements sociaux, elle pourra saisir le juge de l’expropriation car l’intérêt général est ici supérieur et clairement formalisé. Le Conseil d’État nous a d’ailleurs invités à amender notre texte, estimant que la validité du droit de préemption dans les zones d’aménagement ne devait être que de cinq ans, éventuellement renouvelable. Les modifications apportées, sans modifier radicalement les règles du droit de préemption, devraient toutefois permettre de réduire considérablement les contentieux.
M. Jean-Michel Clément. La sécurité juridique est essentielle pour les collectivités. Avez-vous consulté l’AMF sur ces dispositions ?
M. le rapporteur. Oui, et nous avons également consulté des représentants des notaires et de la Fédération du bâtiment.
M. Michel Hunault. S’il ne devait y avoir qu’un seul article justifiant cette proposition de simplification du droit, ce serait celui-ci ! Je tiens donc à saluer le travail accompli.
Permettez-moi ici de vous faire part de mon expérience dans l’Ouest où un projet d’aéroport figurait déjà dans des documents d’urbanisme il y a trente ans sous la forme d’une ZAC. Or, des secteurs de cette ZAC ont depuis été urbanisés. D’où, à juste titre, des réactions d’incompréhension, voire de colère, vis-à-vis du projet de la part de personnes qui ont acheté une habitation dans ces secteurs. Je me demande s’il ne faudrait pas faire obligation aux notaires, lors de toute transaction immobilière, d’indiquer aux acquéreurs si le bien acheté se situe dans une zone où est prévue la réalisation d’un équipement exceptionnel, dans le périmètre d’un SCOT ou d’un aménagement ayant fait l’objet d’une DUP, afin d’éviter toute contestation ultérieure. Pourrait-on amender le texte en ce sens ?
M. Jean-Michel Clément. En zone rurale, la SAFER peut exercer son droit de préemption. Lors de toute transaction entre particuliers, le notaire lui transmet la déclaration d’intention d’aliéner. L’acheteur et le vendeur sont parfaitement informés de la possibilité qu’a la SAFER d’exercer son droit de préemption, et des conséquences en matière de prix notamment. Il suffirait de prévoir une disposition analogue pour répondre au problème soulevé par notre collègue et, en effet, éviter bien des contentieux.
M. le rapporteur. Je veux bien que l’information des parties soit encore améliorée. Mais en l’état actuel du droit, le certificat d’urbanisme délivré lors de toute transaction indique déjà si le bien est situé dans un périmètre d’aménagement et est soumis au droit de préemption – dont le titulaire est lui aussi destinataire de la déclaration d’intention d’aliéner.
M. Michel Hunault. Dans le cas que je cite, des habitations ont été construites dans une zone qui subira les nuisances sonores d’un éventuel futur aéroport. Les acquéreurs se plaignent, à juste titre, de n’avoir pas été informés que le bien qu’ils achetaient était situé dans un tel périmètre.
M. le président Jean-Luc Warsmann. C’est le même problème que pour les PPRI. Sans que les terrains aient vocation à être achetés par la puissance publique, il y a un risque de nuisance pour les acquéreurs.
M. François Calvet. Nous avons rencontré le même problème à Perpignan où les acheteurs de biens situés dans une zone de bruit près de l’aéroport n’avaient pas été préalablement informés.
M. Michel Hunault. Une meilleure information serait intéressante aussi pour la puissance publique à terme car elle pourrait être exonérée de l’obligation d’acheter certains biens comme elle le fait aujourd’hui en indemnisant les propriétaires.
M. le rapporteur. Dans le périmètre de la zone de bruit, l’État s’engage à financer l’insonorisation des logements, grâce notamment au produit des taxes aéroportuaires. Vous souhaiteriez qu’en-dehors du périmètre d’aménagement de l’équipement lui-même, les riverains soient informés des conséquences potentielles de l’installation, de façon à éviter tous litiges ultérieurs ?
M. Michel Hunault. Avant toute transaction immobilière dans le périmètre d’un projet d’ampleur restant à déterminer mais en tout état de cause exceptionnelle, le notaire aurait obligation d’informer les parties. On pourrait dresser la liste des équipements visés, mais le mieux serait sans doute de demeurer très général.
M. le rapporteur. Je veux bien étudier la question, en particulier concernant les zones de nuisances sonores.
Conformément à l’avis du Conseil d’État, l’article 83 dispose que pour estimer un bien préempté, la date de référence est celle de l’acte ayant délimité ou renouvelé le périmètre de préemption. L’article 84 applique la même règle en cas d’expropriation pour les biens situés dans un périmètre de protection ou de projet d’aménagement.
L’article 85 modifie les conditions d’installation et d’activité des géomètres-experts afin de mettre en conformité notre législation avec la directive « services ».
L’article 86 harmonise les modalités de révision annuelle des loyers maximaux des logements locatifs conventionnés. La loi du 25 mars 2009 prévoit que ces loyers sont révisés chaque année au 1er janvier en fonction de l’indice de référence des loyers, comme les aides personnalisées au logement, mais avait omis d’étendre la mesure aux logements bénéficiaires d’une aide de l’Agence nationale de l’habitat.
L’article 87 permet que les conventions globales de patrimoine puissent être transformées en conventions d’utilité sociale sans qu’il soit besoin pour les parties de renégocier entièrement une nouvelle convention.
L’article 88 modifie la procédure de recouvrement des astreintes en matière d’urbanisme afin de lever la difficulté soulevée par une réforme intervenue en 2005, aux termes de laquelle ces astreintes sont recouvrées pour le compte des communes par les comptables du Trésor, sur réquisition du préfet. Cette disposition n’a jamais pu être appliquée car la loi ne dit pas qui est responsable de la liquidation de l’astreinte. Or, pour être recouvrée, une astreinte doit être liquidée. Il vous est donc proposé que les astreintes soient désormais recouvrées et liquidées par l’État, lequel prélèvera 4% de leur montant pour frais d’assiette et de recouvrement.