Proposition de loi visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale

Catégories: Assemblée Nationale, Ethique, Interventions en réunion de commission, Justice

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 20 mai 2009

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 49

Examen de la proposition de loi de MM. Jean-Luc Warsmann et Guy Geoffroy visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale (n° 1255) (M. Guy Geoffroy, rapporteur) 

La séance est ouverte à 10 heures.

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.

La Commission examine, sur le rapport de M. Guy Geoffroy, proposition de loi de MM. Jean-Luc Warsmann et Guy Geoffroy visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale (n° 1255).

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je suis très heureux de vous présenter la proposition de loi que Guy Geoffroy et moi avons déposée ensemble visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale. Il est en effet d’intérêt général d’arriver à casser le train de vie ostentatoire d’un certain nombre de criminels, en particulier des trafiquants de stupéfiants. Mais notre droit ne dispose pas des outils nécessaires. Pour l’instant, nous sommes même confrontés à des situations absurdes – les voitures saisies, par exemple, sont conservées à la fourrière à grands frais pour la République pendant les trois ou quatre ans que dure l’instruction et ne valent plus grand chose ensuite ! Nous sommes également en retard sur les objectifs européens qui prévoient la création d’une Agence chargée de gérer les biens saisis, d’où l’importance d’adopter ce texte rapidement. Il sera inscrit à l’ordre du jour de la séance de nuit du 3 juin.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cette proposition de loi a été déposée en novembre, mais le travail était déjà engagé depuis au moins dix-huit mois. Déjà en 2004 même, alors que notre président agissait comme parlementaire en mission auprès du ministre de l’intérieur, son rapport sur la lutte contre les réseaux de trafiquants de stupéfiants avait mis en lumière les insuffisances de notre législation en la matière. Nos auditions, ainsi que la table ronde que nous avions organisée en novembre, ont largement nourri notre réflexion. Les amendements que nous proposerons sont le fruit de tout ce travail, en particulier sur le sujet sensible de la gestion des biens saisis.

Les procédures actuelles de saisie sont civiles, même dans le domaine pénal. Nous sommes intimement convaincus qu’il faut les modifier pour parvenir à frapper les trafiquants là où cela fait mal – au portefeuille. Pour être réellement dissuasive, une sanction pénale doit s’accompagner de la privation de tous les profits qu’on en a tiré. Les peines d’amendes ou de privation de liberté ne suffisent pas. On constate d’ailleurs que les trafiquants condamnés à une peine de prison ferme assortie d’une confiscation de tout ou partie de leurs biens ne font souvent appel que de cette dernière !

Des avancées ont déjà été réalisées, en 2007 avec les lois de prévention de la délinquance et de lutte contre la contrefaçon et aussi avec la création de la plateforme d’identification des avoirs criminels, la PIAC, au sein du ministère de l’intérieur, qui faisait suite au rapport Warsmann de 2004. Ce rapport avait dénoncé les failles de notre législation : des difficultés à détecter de manière précoce les avoirs et patrimoines, qu’ils soient détenus en France ou à l’étranger ; l’inadaptation des procédures civiles d’exécution des saisies et confiscations et surtout la mauvaise gestion des biens, illustrée de façon traditionnelle par ces BMW laissées en fourrière à ciel ouvert, qui se déprécient à vue d’œil et finissent par coûter très cher à l’État.

En l’état actuel du droit, et pour ce qui est des affaires de droit commun, sont saisis, en enquête de flagrance, enquête préliminaire ou information judiciaire, les éléments nécessaires à la manifestation de la vérité – c’est-à-dire les pièces à conviction – ainsi que les objets nuisibles, même sans relation directe avec l’infraction, tels que les armes illégalement détenues ou les stupéfiants. Ces saisies ne touchent donc pas le patrimoine. Dans les affaires de criminalité organisée en revanche, la loi Perben II permet au juge de prendre des mesures conservatoires sur les biens des mis en cause aux fins de « garantir le paiement des amendes encourues, l’indemnisation des victimes et l’exécution de la confiscation ». Il est dommage de réserver ces dispositions à la criminalité organisée : un escroc isolé peut spolier un nombre élevé de victimes ! Après une réflexion approfondie avec tous les spécialistes, nous avons réussi à obtenir que le Gouvernement présente un amendement visant à créer une Agence de gestion des biens saisis. C’était une obligation pour lui, mais il n’était pas gagné d’avance qu’il accepte de la remplir dans le présent texte. C’est le signe de la crédibilité de cette proposition de loi.

Il est en effet nécessaire de priver de leurs profits non seulement les grands délinquants, mais aussi les petits trafiquants. Aucun d’entre nous n’ignore les sentiments de nos concitoyens qui constatent l’incapacité de la puissance publique face aux petits caïds qui paradent au volant de voitures luxueuses. Cela passe par trois étapes.

L’identification, d’abord, suppose des cellules d’enquête : c’est le rôle de la PIAC et des acteurs qui travaillent avec elle, notamment les groupements d’intervention régionaux, qui sont extrêmement intéressés par le dispositif que nous voulons mettre en place et ont aidé à le préciser.

Il faut ensuite rendre les biens indisponibles – gel des comptes bancaires, saisie de véhicules, matériels, immeubles. Le texte prévoit une procédure adaptée pour chaque type de bien.

Enfin, la confiscation résulte d’une décision juridictionnelle. Si elle n’est pas prononcée, le bien qui a été saisi ou, le cas échéant, le produit de sa vente sont restitués au propriétaire. Les deux premières étapes sont essentielles : l’expérience montre en effet que la juridiction ne prononce que très exceptionnellement la confiscation des biens qui n’ont pas été préalablement saisis.

Notre système actuel comporte trois limites majeures : l’absence de définition claire du champ des biens susceptibles d’être saisis ; l’inadaptation des procédures civiles d’exécution, qui font perdre un temps important aux magistrats et profitent in fine aux délinquants ; l’absence criante de gestion des biens – et ses conséquences financières pour l’État. La proposition de loi vise à combler ces trois lacunes :

– S’agissant du champ des biens, elle prévoit la saisie à titre conservatoire, outre des instruments et produits de l’infraction, des biens dont l’origine n’a pas pu être justifiée, sous certaines conditions, des objets qualifiés de dangereux ou nuisibles et enfin, pour certaines infractions spécifiques, de l’ensemble du patrimoine.

– S’agissant de la procédure, elle instaure dans son article 3 une procédure mieux adaptée à la matière pénale et détaille chaque catégorie de biens susceptibles d’être saisis. L’article 5 permet quant à lui à la juridiction de jugement d’ordonner la saisie des biens qu’elle confisque et qui n’avaient pas fait l’objet d’une saisie préalable.

– S’agissant enfin de la gestion des biens saisis, le texte vise, dans le prolongement de la loi de 2007 sur la contrefaçon, à assouplir les conditions de mise en vente anticipée en mettant fin au monopole des Domaines, sauf en matière immobilière mais la création par amendement de l’Agence permet d’aboutir à une solution plus satisfaisante encore. Les Domaines ne voient aucun mal à l’institution de l’Agence de gestion des biens saisis et confisqués, qui intervient dans un domaine différent du leur. Cette Agence centralisée permettra d’éviter un gaspillage à la fois d’argent public et d’énergie pour les magistrats. Compte tenu des contraintes de l’article 40, il ne nous était pas possible de proposer de la créer. Le Gouvernement a accepté de le faire, en déposant un amendement portant article additionnel après l’article 3.

Par ailleurs, nous avons déposé d’autres amendements visant à mieux garantir les droits des tiers de bonne foi, à transposer la décision-cadre du 6 octobre 2006 sur l’exécution des décisions de confiscation dans l’Union, à codifier les dispositions de deux lois de 1990 et 1996 relatives à l’entraide internationale en matière de saisies et confiscations, ce qui conduit à les abroger – un gain appréciable en matière de simplification du droit – et à prendre des dispositions de coordination.

J’insiste sur le fait que ce texte est très attendu, par les GIR notamment. Il a été mis au point avec les professionnels et représente un outil incontournable pour rendre leur action encore plus efficace. J’aspire à ce qu’il soit adopté bien sûr, et peut-être à l’unanimité.

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M. Michel Hunault. Cette proposition doit être considérée comme une étape importante dans un long processus, jalonné par la loi contre la corruption, le texte instituant le délit de blanchiment et la transposition de la troisième directive anti-blanchiment, le 31 janvier dernier.

M. Vidalies s’est inquiété des possibilités de transfert de fonds acquis de manière criminelle, oubliant l’obligation faite aux banques de vérifier l’origine des sommes qu’elles transfèrent. Une structure de veille existe déjà, et des sanctions sont prises en tant que de besoin.

Il faut, en résumé, rapporter cette proposition à un ensemble d’autres textes qui visent également à renforcer la lutte contre la fraude et le recyclage d’argent sale.