Catégories: Assemblée Nationale, Education, Interventions en réunion de commission
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Mercredi 9 juillet 2008
Séance de 10 heures
Compte rendu n° 74
Examen du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire
La Commission a examiné, sur le rapport de M. Charles de La Verpillière, le projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire (n° 1008).
La Commission est immédiatement passée à l’examen des articles.
Après l’article 1er :
La Commission a rejeté un amendement de M. Manuel Valls visant à compléter l’article L. 111-2 du code de l’éducation afin de préciser que l’État s’engage à veiller à ce que chaque enseignement soit assuré.
Elle a ensuite examiné un amendement du même auteur complétant l’article L. 112-2 du même code afin de prévoir que les enfants handicapés bénéficient, pendant leur scolarité, de moyens humains et techniques facilitant cette dernière.
M. Michel Hunault a souligné que le souci exprimé à travers cet amendement était largement partagé par la majorité parlementaire ainsi que le Gouvernement, qui a créé à cet effet des postes dans l’Éducation nationale. Il a estimé que si des précisions pouvaient être envisagées en la matière, il était sans doute plus opportun de viser la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, et qu’un rejet de l’amendement en discussion ne saurait être interprété comme un refus d’entreprendre les mesures nécessaires à l’accueil des enfants handicapés à l’école.
M. Guy Geoffroy a lui aussi insisté, en sa qualité d’ancien parlementaire en mission sur ce sujet auprès du ministre chargé de l’Éducation nationale, sur l’intérêt porté par la majorité parlementaire aux enjeux liés à la scolarisation des enfants handicapés. Partageant le souhait de permettre à chaque enfant handicapé de bénéficier de l’assistance d’un auxiliaire de vie scolaire, il a fait valoir qu’il n’est pas pour autant réaliste de poser cet objectif en principe à portée juridique.
M. Manuel Valls a estimé que l’examen de cet amendement apportait la démonstration que, à trop vouloir légiférer dans le détail à travers un projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire, le Gouvernement et sa majorité se heurtaient à des difficultés pratiques et très concrètes.
La Commission a alors rejeté cet amendement.
Article 2 (art. L. 133-1 [nouveau] du code de l’éducation) : Principe de l’accueil des élèves pendant le temps scolaire :
La Commission a rejeté un amendement de suppression de cet article, présenté par M. Manuel Valls.
Elle a ensuite examiné un amendement du rapporteur visant à préciser que le service d’accueil des élèves ne peut être mis en place qu’en cas de grève ou en cas d’absence fortuite ou imprévisible d’un enseignant, son auteur jugeant cette précision nécessaire afin d’éviter que le dispositif soit détourné pour pallier des insuffisances de remplacements d’enseignants, même si telle n’était pas l’intention du Gouvernement. Le rapporteur a souligné qu’ainsi le service d’accueil ne pourra servir qu’en cas de grève ou d’absence fortuite ou imprévisible d’un enseignant ne pouvant pas être remplacé, le remplacement restant la règle en cas d’absence longue ou prévisible.
Tout en saluant le souci de précision du rapporteur, M. Michel Hunault a émis des doutes sur la valeur ajoutée de la précision prévue dans son amendement par rapport au droit existant. Il a également fait valoir que cette logique de précision devrait conduire le rapporteur à détailler le contenu de l’offre d’accueil, de manière à définir si elle se limitera à un simple gardiennage ou si elle aura une réelle portée pédagogique.
Le rapporteur a indiqué que l’accueil des enfants ne constituera pas un « ersatz d’enseignement ». Insistant sur la diversité des profils d’enfants concernés, allant de la maternelle à l’école élémentaire, il a estimé qu’il convenait de conserver un minimum de souplesse dans le dispositif afin de permettre que les enfants les plus petits bénéficient d’animations et d’une garderie quand les plus grands pourront, le cas échéant, être répartis dans les classes assurées normalement.
Soulignant le caractère réglementaire des précisions afférentes au contenu du service d’accueil, M. Guy Geoffroy a salué l’apport de l’amendement du rapporteur, qui s’inscrit dans la clarification et la pédagogie devant accompagner la réforme mise en place par le projet de loi. Détaillant par la suite l’architecture du service institué, il a rappelé que le projet de loi réaffirme tout d’abord que l’instruction et l’enseignement sont dus par l’État aux enfants, qu’il dispose ensuite le principe d’un accueil assuré par l’État lorsque l’enseignement ne peut pas être prodigué et qu’il prévoit enfin une intervention des collectivités locales, pour garantir l’effectivité de cet accueil, uniquement en cas de grève et au-delà d’un pourcentage de grévistes au sein d’un même établissement.
M. Jean-Michel Clément a exprimé ses réserves sur la portée de l’amendement du rapporteur, en estimant qu’il mettait sur le même plan des faits et des causes d’origines différentes. Insistant sur le fait que la grève, phénomène plus particulièrement visé par le projet de loi, supposait un délai de préavis, il a considéré que la notion d’absences fortuites ou imprévisibles équivaudrait à ouvrir très largement le champ d’application du projet de loi. Il s’est alors interrogé sur ses répercussions pour les collectivités locales, qui auront des difficultés à réagir à l’imprévisible.
Le rapporteur a tenu à préciser que l’intervention des communes n’était prévue que dans le cas d’une grève suivie par plus de 20 % des enseignants d’un même établissement, sur le fondement de l’article 4 du projet de loi. Il a souligné que l’article 2 avait un objet différent, en posant un principe général d’accueil. Il a ajouté que son amendement restreignait sensiblement le champ du service d’accueil, puisque celui-ci ne pourra pas jouer en cas d’absences longues et répétées du personnel enseignant, du fait d’une épidémie de grippe par exemple.
M. Dominique Raimbourg a observé que si l’objectif poursuivi par le rapporteur pouvait recueillir l’adhésion, il n’était pas certain que la notion d’absence fortuite et imprévisible permette de l’atteindre. Il a considéré que cette rédaction était trop imprécise pour écarter toute possibilité de remplacement d’enseignants absents du fait d’une maladie sur la base du service d’accueil.
Le rapporteur a jugé, au contraire, que son amendement apportait un progrès par rapport à la rédaction retenue par le Sénat. Il a estimé qu’il répondait de manière appropriée au cas des enseignants malades ne se présentant pas, de manière inopinée, pour assurer leurs cours en posant le principe de l’accueil de leurs élèves par l’Éducation nationale. Il a jugé, en revanche, qu’en cas de maladie durable, le remplacement de l’enseignant demeurera la règle.
M. Manuel Valls a observé que l’accueil des enfants d’un enseignant malade existe d’ores et déjà, indépendamment de nuances pouvant être constatées dans sa mise en œuvre selon l’implantation rurale ou urbaine des écoles. Il a relevé une certaine contradiction entre l’exposé sommaire de l’amendement du rapporteur, insistant sur le remplacement en cas d’absence prévue à l’avance ou de longue durée, et son dispositif. Il s’est par ailleurs interrogé sur les modalités concrètes de mise en œuvre du service d’accueil en pareilles circonstances, en se demandant si cet accueil s’apparenterait à ce qui existe déjà ou bien s’il s’agira d’un dispositif nouveau.
Le rapporteur a réitéré que les collectivités locales n’étaient appelées à intervenir que dans les circonstances prévues à l’article 4 du projet de loi, c’est-à-dire en cas de grève touchant plus de 20 % de l’effectif enseignant d’une école. Il a rappelé également que la responsabilité de l’accueil incombera dans tous les autres cas à l’État.
Après que M. Michel Hunault s’est prononcé en faveur d’un retrait de l’amendement, le président Jean-Luc Warsmann a précisé que l’amendement ne remet pas en cause les grands principes du texte, qui consistent à rappeler l’obligation d’enseignement incombant à l’État, à poser une obligation d’accueil – y compris lorsque les enseignants sont malades –, et à placer le service d’accueil sous la responsabilité de l’État, les communes n’étant appelées à lui apporter leur concours qu’en cas de grève suivie par une proportion significative d’enseignants.
M. Bernard Roman a douté de l’intérêt d’apporter la précision souhaitée par le rapporteur dans le projet de loi, compte tenu du fait que l’accueil est déjà assuré dans le cas plus particulièrement visé par l’amendement. Il a précisé que l’enfant se trouve légalement sous la responsabilité du directeur d’établissement lorsqu’il pénètre dans les locaux de l’école.
Se référant à la préoccupation de simplification du droit exprimée par la Commission depuis le début de la législature, M. Michel Hunault a estimé nécessaire de mieux évaluer la portée de l’amendement proposé par le rapporteur, notamment par rapport au droit existant, avant de l’adopter.
M. Guy Geoffroy a rappelé que l’article 2 du projet de loi pose le principe d’un droit à l’accueil de l’enfant, en toutes circonstances. Il a souligné, qu’au regard des dispositions prévues à l’article 4, un certain nombre de situations pouvaient échapper au champ de l’obligation et empêcher une prise en charge des enfants. Il a estimé que l’amendement permettrait de couvrir ces cas de figure.
Après que Mme Brigitte Barèges s’est interrogée sur le caractère redondant de l’amendement avec les dispositions de l’article 4 et que le président Jean-Luc Warsmann a estimé qu’une réécriture d’ici la réunion de la Commission au titre de l’article 88 du règlement pourrait être envisagée, le rapporteur a retiré son amendement tout en réitérant sa volonté de répondre à la préoccupation que l’accueil des enfants ne soit pas instrumentalisé comme un substitut aux remplacements d’enseignants.
Puis, la Commission a adopté l’article 2 sans modification.