Création du Défenseur des Droits

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session extraordinaire de 2010-2011



Compte rendu 
intégral

Deuxième séance du mercredi 12 janvier 2011

Défenseur des droits

Suite de la discussion d’un projet de loi organique adopté par le Sénat.

Article 4

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Avec cet article 4, nous sommes au cœur de ce projet de loi. On pourrait se demander si nous n’aurions pas intérêt, au moment où nous abordons son examen, à le rapprocher de l’article 5 pour ce qui touche aux compétences du Défenseur des enfants.

Notre collègue François Bayrou a rappelé – et le rapport annuel du Défenseur des enfants va dans le même sens – combien il était important de maintenir cette institution. Hier, on a pu constater que le Défenseur des enfants restait le seul adjoint nommément identifié. L’article 5 précise que l’enfant pourra saisir directement le Défenseur des droits, et que ses représentants légaux, les membres de sa famille, les services médicaux et sociaux et toutes les associations pourront le faire. Le Défenseur des droits pourra également s’autosaisir.

Je ne voudrais pas qu’on ait l’impression que le Défenseur des enfants est supprimé, alors que l’article 5 devrait être de nature à nous rassurer : non seulement il prévoit une identification spécifique, mais il garantir la saisine.

J’interviendrai également sur le contrôleur des prisons. Cette institution avait été souhaitée sur tous les bancs de cet hémicycle. Elle répond aux normes du Conseil de l’Europe. Elle découle de la loi pénitentiaire. Je me demande, monsieur le garde des sceaux, si l’on ne pourrait pas reporter la suppression de cette autorité indépendante au moins jusqu’en 2014. Nous pourrions alors débattre de la question de savoir si l’on doit la fondre dans cette nouvelle autorité qu’est le Défenseur des droits, qui a vocation à regrouper l’ensemble des autorités qui ont fait leurs preuves.

En tout état de cause, deux choses me semblent importantes : s’agissant du Défenseur des enfants, il faut absolument que le Gouvernement nous donne des réponses très claires et nous apporte des assurances ; s’agissant du Contrôleur des prisons, peut-être conviendrait-il de reporter la décision.

 …………..

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Je voterai contre l’amendement de nos collègues socialistes mais, monsieur le garde des sceaux, permettez-moi d’insister : nous sommes en train de fusionner des autorités indépendantes créées au cours de ces vingt dernières années, qui ont fait leurs preuves ; cela mérite quelques instants de réflexion.

Nous avons inscrit dans la Constitution l’existence du Défenseur des droits, il est donc créé. La loi organique que nous discutons dans cet hémicycle vise à déterminer son champ de compétences, et par l’article 4, nous allons supprimer cinq autorités qui ont fait leurs preuves. Mieux vaut prendre quelques instants pour savoir si cet article 4 est correctement rédigé.

Je prends acte de vos explications et je vous en remercie. Je ne suis pas sûr qu’à l’heure où nous parlons, vous ayez dans l’hémicycle une majorité pour supprimer le Défenseur des enfants, mais votre explication consistant à dire que le Défenseur des enfants reste le seul adjoint nommément identifié, et qu’il pourra toujours être saisi par les enfants, est de nature à nous rassurer et à nous permettre de voter cet article 4.

En revanche, je ne suis pas content des explications du rapporteur, qui n’ont pas été très claires. Je souhaiterais que le président de la commission des lois vienne nous rassurer comme le ministre l’a fait sur la saisine de cet adjoint identifié, car c’est fondamental.

Monsieur le garde des sceaux, permettez-moi d’insister pour avoir une réponse à propos du contrôleur des prisons : cela ne fait que deux ans qu’il a été nommé et cela mériterait que nous nous y attardions car ce sont des questions légitimes. Qui plus est, nous sommes liés par des textes internationaux : M. Bayrou l’a rappelé à propos des enfants, tout comme M. Pinte. Votre réponse nous a rassurés, nous sommes en train de définir le périmètre du Défenseur des droits créé par le constituant, mais rien n’oblige à supprimer les autorités existantes.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Sollicité par M. Hunault, je veux bien essayer de lui répondre. Le point de départ reste la décision du constituant lors de la révision constitutionnelle. Le Gouvernement a donc déposé en son temps un projet de loi organique découlant de l’article 71-1 de la Constitution, et le Parlement a très naturellement joué son rôle, ce qui explique que vous vous prononciez donc sur les textes émanant des commissions.

Le Sénat a pour sa part décidé d’introduire des autorités administratives indépendantes qui ne figuraient pas dans le projet du Gouvernement. L’Assemblée fait de même, avec des modalités différentes de celles retenues par le Sénat, s’agissant du contrôleur général des lieux de privation de liberté. L’Assemblée propose d’attendre la fin du mandat de l’actuel contrôleur général. C’est une bonne chose, car le travail de M. Delarue est excellent, nécessaire, qui posera en quelque sorte la jurisprudence en la matière. Lorsque, suivant la volonté de l’Assemblée nationale, il sera intégré au sein du Défenseur des droits, il se sera créé un corpus de règles qui lui sera des plus utiles pour contrôler le fonctionnement de ces lieux privatifs de liberté.

On notera à ce propos que personne ne conteste l’indépendance de l’actuel contrôleur général, alors qu’il est nommé exactement dans les mêmes conditions que le Défenseur des droits. Personne ne conteste l’indépendance de tel ou tel directeur de telle ou telle autorité administrative indépendante ; ils sont pourtant nommés exactement dans les mêmes conditions que le futur Défenseur des droits.

L’indépendance s’acquiert une fois nommé par le fait que l’on ne peut pas être renouvelé ni démis. C’est la règle sous la Ve République : personne ne soutiendra que le contrôleur général n’est pas indépendant.

 …………….

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 119.

La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou. Je voudrais persuader l’Assemblée nationale que le but défini par la Constitution pour le Défenseur des droits n’est pas le même que celui défini par la loi pour le Défenseur des enfants.

Le constituant a dit, comme chacun le sait, que le domaine du Défenseur des droits était la défense des droits et des libertés ; or celui du Défenseur des enfants n’est nullement circonscrit au domaine de la défense des droits et des libertés. La loi de 2000, que nous avons adoptée à l’unanimité, précise explicitement dans son article 1er : « En outre, le Défenseur des enfants peut se saisir des cas lui paraissant mettre en cause l’intérêt de l’enfant. » Les droits objectifs de l’enfant et l’intérêt de l’enfant pour son avenir, pour la construction de sa personnalité dans des démarches de nature individuelle ou, à l’inverse, collectives – j’ai parlé du placement tout à l’heure –, ce n’est pas la même chose. Du coup, l’autorité du défenseur n’est pas de même nature. L’article 10 de la loi de 2000, adoptée, je le répète, à l’unanimité par cette assemblée, précise : « Dans la limite de ses attributions, le Défenseur des enfants ne reçoit d’instruction d’aucune autorité. »

Or le texte que nous examinons ce soir prévoit exactement le contraire : ainsi qu’il a été indiqué à plusieurs reprises, le Défenseur des enfants serait une sorte d’adjoint. Le garde des sceaux lui-même a précisé que le Défenseur des droits serait le seul à avoir un pouvoir d’injonction auprès d’un certain nombre d’administrations ou de pouvoirs. La défense des droits d’un côté, M. Étienne Pinte vient de le rappeler, et la défense de l’intérêt de l’enfant de l’autre, ce n’est pas comparable. La vocation du Défenseur des enfants est beaucoup plus large et infiniment précieuse pour l’équilibre de la société française.

C’est pourquoi mon amendement n° 119 propose de rétablir dans son indépendance le Défenseur des enfants.

Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement n° 119, je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Monsieur Bayrou, j’ai rencontré à deux reprises Mme Versini et analysé avec elle un certain nombre d’amendements. Deux hypothèses étaient possibles : ou bien l’on gardait l’indépendance, ou bien c’était intégration. Dans un courrier qu’elle m’a adressé, Mme Versini elle-même a penché pour la deuxième hypothèse…

M. François Bayrou. Allons ! Allons ! C’est faux !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur. …après de nombreuses discussions. Je peux vous fournir la lettre de Mme Versini.

M. Michel Hunault. Elle a écrit l’inverse aux députés !

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous en prie ! Seul M. le rapporteur a la parole.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur. Il y a eu, monsieur Bayrou, entre la première et la deuxième audition, une évolution totale de Mme Versini. Nous avons apporté une série de correctifs ont été apportés pour garantir ce qu’elle souhaitait dans l’émergence du Défenseur du droit.

M. François Bayrou. Ce n’est pas possible !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le problème du Défenseur des enfants est une question lourde. Elle a suscité, depuis hier, de nombreuses discussions au sein de l’Assemblée.

Monsieur Bayrou, j’aimerais vous montrer ce que, à mon avis, le Défenseur des droits apporte en plus et vous prouver, en reprenant le texte, que ce dernier pourra bien entendu défendre l’enfant dans ses droits, mais également dans son intérêt.

Les pouvoirs conférés au Défenseur des droits sont plus larges que ceux conférés au Défenseur des enfants. Le Défenseur des droits peut faire des injonctions à l’administration et s’occuper des cas où les droits de l’enfant seraient lésés par une personne publique, ce qui n’était pas le cas du Défenseur des enfants.

Je reprends votre distinction, parfaitement pertinente : le mérite du Défenseur des enfants, c’est qu’il peut s’occuper non seulement des droits, mais aussi de l’intérêt de l’enfant. Le texte de la loi organique sur lequel l’Assemblée délibère reprend cette idée. Le fait que le Défenseur des enfants soit intégré dans le Défenseur des droits des enfants a été le point de départ de la réflexion et à la base des travaux de la commission Balladur : il s’agissait de faire en sorte que les droits des enfants soient plus facilement défendus par la nouvelle institution que par l’ancienne.

Le paragraphe 3 de l’article 5 de la loi organique prévoit que le Défenseur des droits est saisi des réclamations qui lui sont adressées par un enfant lorsqu’il invoque la protection de ses droits ou une situation mettant en cause son intérêt.

De la même façon, l’article 8 du projet de loi organique précise que lorsque le Défenseur des droits « se saisit d’office ou lorsqu’il est saisi autrement qu’à l’initiative de la personne s’estimant lésée, ou s’agissant d’un enfant de ses représentants légaux, le Défenseur des droits ne peut intervenir qu’à la condition que cette personne ou le cas échéant ses ayants droit, ait été avertie et ne se soit pas opposée à son intervention. Toutefois, il peut toujours se saisir des cas lui paraissant mettre en cause l’intérêt supérieur d’un enfant et des cas relatifs à des personnes qui ne sont pas identifiées ou dont il ne peut recueillir l’accord ».

Dans toutes les hypothèses, le Défenseur des droits peut se saisir des situations qui mettent en cause non seulement des droits de l’enfant, mais également l’intérêt de l’enfant.

Je crois avoir apporté une réponse claire. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement espère que M. Bayrou, qui a fort bien défendu son amendement, aura trouvé satisfaction dans les arguments que je viens de présenter ; car nous partageons le même souci : préserver les droits de l’enfant, mais aussi veiller à son intérêt.

Mme la présidente. Mes chers collègues cinq orateurs m’ont demandé la parole, alors que notre règlement prévoit que seuls l’auteur de l’amendement, un orateur contre et éventuellement un orateur pour répondre à la commission ou au Gouvernement peuvent s’exprimer. Toutefois, eu égard à l’importance du sujet, je donnerai la parole à un orateur par groupe.

M. Pascal Clément. Merci, madame la présidente.

Mme la présidente. Étant donné que vous êtes nombreux à vouloir vous exprimer, je vous demande, afin de pas trop m’éloigner du règlement, de désigner au sein de vos groupes celui ou celle qui prendra la parole.

M. Pascal Clément. J’ai juste une question à poser.

Mme la présidente. Pour le groupe Nouveau Centre, M. Hunault a demandé la parole. Pour le groupe SRC, c’est M. Urvoas qui s’exprimera et pour le groupe des députés non-inscrits, M. Bayrou.

La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Une nouvelle fois, monsieur le garde des sceaux, vous avez apporté des réponses précises et je vous en remercie. Malheureusement, je n’ai pas apprécié la réponse de M. le rapporteur sur cette question essentielle. M. Pinte a posé des questions précises. M. Bayrou a rappelé que la loi instaurant le Défenseur des enfants a été votée à l’unanimité – suite aux engagements internationaux de la France – afin de permettre aux enfants de saisir directement leur défenseur. Le ministre nous a assuré que tel sera toujours le cas avec un adjoint identifié. Nous aurions intérêt, à ce stade de la discussion, de conserver à ce débat qui honore notre Parlement toute la sérénité et la solennité qui s’imposent. Nous avons voté à Versailles le principe de la création d’un Défenseur des droits dont le périmètre restait à définir dans le cadre d’une loi organique ; cela dit, rien ne nous engageait à supprimer un certain nombre d’autorités administratives indépendantes.

Mme Marylise Lebranchu et M. Michel Vaxès. Tout à fait !

M. Michel Hunault. Il me semble légitime d’avoir une vraie discussion sur la question de savoir s’il est opportun ou non de supprimer des institutions qui ont joué leur rôle. M. le garde des sceaux, au nom du Gouvernement, s’est donné la peine d’expliquer que le dispositif prévu apportait un certain nombre de garanties ; j’aimerais que notre rapporteur ne se contente pas de prêter à Mme Versini des propos qui, apparemment, ne correspondent pas à ce qu’elle a écrit aux députés…

M. François Bayrou. Exactement !

M. Michel Hunault. …ni à ses prises de positions officielles.

Avant de passer au vote, j’aimerais que vous nous assuriez que le texte que vous proposez est conforme aux engagements internationaux de la France. À défaut d’une réponse claire, je voterai l’amendement de M. Bayrou.

M. Michel Vaxès. Il faut le voter !

M. Daniel Goldberg. Il faut le voter, quelle que soit la réponse !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je souhaite intervenir pour défendre l’amendement de M. Bayrou, mais également pour rétablir les faits afin que mes collègues ici présents n’aillent pas croire que Mme Versini serait d’accord avec la disparition du Défenseur des enfants. Et comme je ne suis pas ventriloque, je vais vous donner lecture de la lettre envoyée par Mme Versini à tous les députés le 4 janvier 2011…

M. Claude Bodin. Seul le Parlement fait la loi, pas Mme Versini !

M. Jean-Jacques Urvoas. …qu’elle concluait en ces termes : « Je vous confie ces arguments empreints de toute la force de mes convictions » rappelant qu’elle avait toute confiance en l’Assemblée nationale.

« Vous avez entre vos mains, écrivait-elle, le sort de la défense du droit des enfants. Vous pouvez soit décider de maintenir un Défenseur des enfants autonome et spécialisé, soit supprimer le Défenseur des enfants et doter le Défenseur des droits d’un adjoint. Mais, précisait-elle, en l’état du texte, cet adjoint n’est qu’un simple collaborateur…

M. Daniel Goldberg. Voilà !

M. Jean-Jacques Urvoas. …dont les attributions seront celles que voudra bien lui déléguer le Défenseur des droits, c’est-à-dire quasiment aucune tant les impossibilités de délégations sont nombreuses. Il apparaît donc comme un chef de service non identifiable par les enfants. Vous pouvez, par contre, décider de lui donner des pouvoirs liés à son domaine de compétence en prévoyant dans la loi une large délégation… » Nous y reviendrons par voie d’amendements.

Je n’interprète nullement les propose de Mme Versini : si elle a pris la décision d’adresser une lettre aux 577 membres de cette Assemblée pour nous mettre en garde et appeler notre attention sur le fait que l’adjoint au Défenseur des droits ne sera qu’un simple chef de service non identifiable par les enfants. Il me semble que l’on ne peut guère voir dans son propos un appui au texte du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle je voterai l’amendement de François Bayrou.

Mme la présidente. La parole est, précisément, à M. François Bayrou.

M. François Bayrou. À mon tour de détromper M. Morel-A-L’Huissier. Il est bien évident – M. Hunault l’a dit – que nous ne discutons pas de la position de tel ou tel défenseur des enfants : nous sommes le législateur, et c’est de l’institution que nous parlons.

Au demeurant, laisser croire ou sous-entendre que Mme Versini aurait rallié la position défendue dans ce texte, alors qu’elle est intervenue sur tous les tons auprès de toutes les instances, de tous les courants démocratiques du pays pour défendre cette institution qui a très bien rempli son rôle, serait une escroquerie. Je suis sûr que M. Morel-A-L’Huissier a été victime d’un instant d’inattention.

Revenons au fond du problème. Est-il possible de mettre sur le même plan un Défenseur des enfants dont le domaine d’action est plein et entier conformément à ce que nous avons signé et aux demandes réitérées des organisations internationales chargées de ce sujet – M. Pinte l’a rappelé –, bref un Défenseur des enfants pleinement dédié à la défense des droits et des intérêts de l’enfant, et un adjoint intégré dans une institution très importante dont le titulaire aura bien d’autres choses à faire que de s’occuper des enfants, de leur intérêt et des conflits, y compris affectifs, qui naissent autour d’eux ?

L’Assemblée nationale serait fidèle au vote unanime de 2000, aux engagements internationaux du pays…

Mme la présidente. Merci de conclure.

M. François Bayrou. …et au bon sens de la défense de l’intérêt de l’enfant, si elle décidait par ce vote de conserver au Défenseur des enfants ses compétences et son indépendance.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Je voterai moi aussi la suppression de l’alinéa 3 proposée par M. Bayrou.

Vous avez refusé la suppression de l’article 4, ainsi que celle des alinéas 3 à 6. Nous pouvons comprendre vos préoccupations. Cela étant, concernant le droit des enfants, une majorité se dégage ici pour préserver le caractère indépendant du Défenseur des enfants, ce qui correspond également à la volonté de huit Français sur dix. L’UNICEF a fait une enquête et nous disposons les chiffres de la SOFRES : huit Français sur dix, je le répète, sont favorables au maintien de l’autorité indépendante du Défenseur des enfants. Nous vous demandons simplement de respecter cette volonté.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément. Je vous remercie, madame la présidente, d’avoir noté qu’il s’agissait là du point dur de ce texte.

Monsieur le garde des sceaux, j’aimerais vous interroger sur l’amendement de M. Bayrou. Tout le monde admet que le Défenseur des enfants a acquis une position importante. Ce qui gêne M. Bayrou et tous ceux, nombreux à l’extérieur de l’hémicycle, qui pensent comme lui, c’est que les nouveaux pouvoirs dévolus au Défenseur des enfants par le truchement du Défenseur des droits vont se traduire par la disparition du Défenseur des enfants au profit du Défenseur des droits, qui seul aura pouvoir en la matière.

Ne serait-il pas possible de prévoir, à volonté, une délégation de droits eu égard aux nouveaux pouvoirs prévus par le texte ? Si le Défenseur des enfants, par délégation, pouvait exercer, dans son domaine propre, les nouveaux droits reconnus au Défenseur des droits, M. Bayrou aurait satisfaction et M. Vaxès n’aurait plus à craindre loin d’être « noyé », le Défenseur des enfants, fortement identifié, exercerait dans son domaine propre les droits du Défenseur des droits. Une telle délégation est-elle envisageable, monsieur le garde des sceaux ?

M. Jean-Jacques Urvoas. Ce n’est pas dans le texte !

M. Michel Hunault. C’est une bonne question, mais ce n’est effectivement pas dans le texte.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je ne souhaite pas allonger les débats, mais trois questions ont été posées, qui méritent des réponses approfondies.

Premièrement, grâce à la révision constitutionnelle et au projet de loi organique, la France respecte totalement ses obligations conventionnelles. Cela dit, c’est à elle qu’il appartient d’apprécier la manière dont elle exécute ses engagements internationaux, conformément à la règle qui prévaut depuis longtemps.

Deuxièmement, monsieur Clément, l’article 11 A du projet de loi organique prévoit expressément dans son paragraphe 6 que le Défenseur des droits peut déléguer ses attributions à ses adjoints dans leur domaine de compétence.

M. Jean-Jacques Urvoas et M. René Dosière. Peut déléguer !

Mme Françoise de Panafieu. Et alors ?

M. Pascal Clément. Cela change tout !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Dosière, nous parlons d’un pouvoir et d’une compétence accordés à une autorité par la Constitution. Et qu’on le veuille ou non, monsieur Vaxès, la modification constitutionnelle a été votée. La Constitution ayant donné des compétences…

Mme Marylise Lebranchu. Non !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Bien sûr que si.

M. Michel Vaxès. Elle n’a pas défini le périmètre !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. …il revient à la loi organique de mettre en œuvre le jeu de ces compétences et d’autoriser la délégation. C’est ce qui est prévu aux paragraphes 6, 7 et 8 : chacun des adjoints peut représenter le Défenseur des droits dans son domaine de compétence, auprès des organisations rassemblant les autorités indépendantes de pays tiers chargées de la protection des droits et libertés. Cela répond également à l’une des demandes en matière de respect du droit des traités.

M. Michel Vaxès. Pas sur le périmètre : sinon, nous n’aurions pas besoin d’une loi organique !

Mme la présidente. Seul M. le garde des sceaux a la parole, mes chers collègues.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’admets que l’on soit contre un texte, mais on ne peut pas s’opposer à sa lettre. Il suffit de savoir lire et le texte est suffisamment clair.

Troisièmement, imaginons que nous conservions le système actuel du Défenseur des enfants. Que se passerait-il ? Nous devons nous poser la question. Nous sommes ici, Assemblée nationale, Gouvernement, non pour défendre des institutions, mais pour défendre des droits, des intérêts ou des situations dignes d’intérêt et de défense.

M. Richard Mallié. Très juste !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Que se passerait-il si l’on conservait le Défenseur des enfants à côté du Défenseur des droits ?

Vous nous présentez une situation idyllique, à savoir un Défenseur des enfants qui défend de façon complète et absolue les enfants. Or c’est totalement faux : le Défenseur des enfants n’a de compétence que pour régler des problèmes d’ordre privé. Dès lors qu’une administration est mise en cause, le Défenseur des enfants transmet le dossier au médiateur. Demain, il y aura le Défenseur des enfants et le Défenseur des droits. Chaque fois que sera transmis un problème relatif à une administration publique au sens large du terme, le Défenseur des enfants devra transmettre le dossier au Défenseur des droits.

Mme Marylise Lebranchu. Il aura changé de nature !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il me semble qu’une seule autorité administrative indépendante gérant la totalité de la situation, dans le cadre d’une vision globale, sera plus efficace. Je le dis très clairement : la création du Défenseur des enfants était une étape fondamentale ; il ne s’agit absolument pas de la remettre en cause, mais de faire mieux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je ne vois pas pourquoi nous n’y parviendrions pas. Or la proposition qui vous est soumise permet justement de faire mieux, d’aller plus loin, de parfaire en somme ce que le législateur a fait en 2000. (Mêmes mouvements.)

Mme Catherine Lemorton. Ce n’est pas ce que Mme Versini a compris !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur. Je veux répondre à MM. Hunault et Bayrou.

Dans la lettre qu’elle m’a adressée le 10 septembre 2010, Mme Versini évoquait deux hypothèses. La première, qui avait sa préférence, était le maintien d’un Défenseur des enfants spécifique et indépendant. Mais « si les travaux de votre assemblée l’amenaient à retenir le deuxième schéma, dans la continuité du texte adopté par le Sénat », écrivait-elle, « il me paraîtrait indispensable de réexaminer deux points particulièrement fondamentaux ».

« En premier lieu, la délégation faite au Défenseur des enfants », laquelle comporterait deux aspects : « donner un avis et faire des recommandations sur les textes législatifs et réglementaires concernant les enfants » – il s’agit de l’article 25 – et « présenter un rapport public spécifique aux enfants, idéalement le 20 novembre, date de la journée internationale des droits de l’enfant – il s’agit de l’article 27 ». Or les amendements que j’ai acceptés tiennent compte de ces orientations.

« En second lieu, les garanties de liberté d’opinion et d’immunité professionnelle prévues à l’article 2, alinéa 2, du projet de loi organique au profit du Défenseur des droits devraient être étendues au Défenseur des enfants ». Or, dans cette seconde hypothèse, les trois éléments que Mme Versini appelait de ses vœux ont été intégrés à des amendements.

Voilà pourquoi je soutiens que j’ai scrupuleusement respecté l’orientation tracée par Mme Versini. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton. C’était une position de repli !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 119.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 64

Nombre de suffrages exprimés 63

Majorité absolue 32

▪                                       Pour l’adoption 27
Contre 36

(L’amendement n° 119 n’est pas adopté.)