Catégories: Assemblée Nationale, Autres interventions, Interventions dans l'hémicycle, Justice, Prisons, Sécurité, video
Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010
Compte rendu intégral
Deuxième séance du mardi 17 novembre 2009
Réduction du risque de récidive criminelle
Suite de la discussion d’un projet de loi
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.
M. Michel Hunault.Au nom de mes collègues du groupe parlementaire Nouveau Centre qui, l’instant d’une séance, est devenu le principal groupe de l’Assemblée si j’en juge par le nombre de ses représentants ce soir, je reviendrai sur les derniers mots de mon collègue Michel Vaxès qui en appelait aux valeurs de notre République.
Comme l’a souligné tout à l’heure Mme la garde des sceaux, la sécurité est la première des libertés. Monsieur Vaxès, vous nous avez donné rendez-vous dans six mois en disant que nous empilions des lois inutiles, mais pourquoi sommes-nous réunis ici ce soir? Ce sont bien, me semble-t-il, les membres de l’opposition, à savoir des groupes socialiste et communiste, qui ont porté la loi du 25 février 2008 devant le Conseil constitutionnel! Vous n’avez pas changé d’arguments entre ce soir et il y a dix-huit mois. Est-il utile de revenir ce soir sur la loi relative à la rétention de sûreté qui prévoit, entre autres, la surveillance de sûreté et le développement de dispositifs d’incitation à accepter des soins en détention? Bien sûr que oui, car l’actualité est tragique. Est-il normal dans notre pays qu’une femme faisant son jogging soit violée et assassinée par quelqu’un qui a été déjà condamné pour un crime, qui est sorti à mi-peine et qui recommence? Telle est la question!
Et c’est le devoir du législateur que de vouloir protéger la société et de sanctionner! Je ne comprends pas mes collègues de l’opposition qui combattent ce genre de mesure parce que nous avons une obligation commune. Nous sommes dépositaires d’une exigence: celle de protéger la société, de sanctionner. Nous devrions donc, ensemble, trouver des moyens pour combattre efficacement la récidive.
Vous nous proposez, avec ce projet, madame la garde des sceaux, de clarifier les conditions de placement en rétention de sûreté et de renforcer l’efficacité de mesures de surveillance. Vous avez dit tout à l’heure qu’au-delà de l’incarcération, vous étiez attachée à de nouvelles mesures relatives au renforcement du suivi médico-judiciaire, au contrôle et à la surveillance et à une meilleure protection des victimes. Ce sont des idées générales qui sont plutôt de bon sens et qui ne devraient pas nous opposer. Nous devrions, au contraire, nous rassembler pour compléter et améliorer la loi de février 2008 et, surtout, assurer l’information et le contrôle après la libération des prisonniers.
Je vous ai écouté attentivement, monsieur Vaxès. Vous avez conclu votre propos en disant que, dans ce pays, des gens voulaient rétablir la peine de mort qui a été abolie par une majorité que vous souteniez, du temps de François Mitterrand et Robert Badinter. Les quarante-sept États du Conseil de l’Europe, dont la France est l’un des pays fondateurs, se sont rassemblés sur des valeurs communes. Si nous avons aboli la peine de mort, c’est que nous croyions en l’homme.
Il est aujourd’hui essentiel de nous rassembler et de croire en la réhabilitation de l’individu qui, par le crime qu’il a commis, a, un instant, perdu toute humanité, car, comme vous, nous croyons en l’homme. Mais lorsque l’auteur d’un crime est libéré et qu’il récidive, en dépit du suivi socio-judiciaire et des soins, nous devons nous demander ce que doit faire la société. C’est à cette question que répondait la loi de février2008 et c’est sur ce point que vous vous interrogez, madame la garde des sceaux. Le Gouvernement et le législateur ont en effet le devoir d’améliorer le dispositif d’aide et de protection. Nous avons mis en place une évaluation de la dangerosité, ce qui est extrêmement difficile pour les psychiatres et les médecins. Le rapporteur, notre excellent collègue Jean-Paul Garraud, dont on connaît l’attachement à l’individualisation de la peine, nous a dit combien il était difficile de procéder à une telle évaluation. Bien sûr, nous devons nous demander si nous disposons, dans le cadre du suivi socio-judiciaire, en matière de psychiatrie, de psychologie, des moyens d’évaluer la dangerosité et surtout de la combattre par des traitements médicaux.
Mme la garde des sceaux est particulièrement attentive à la question et nous savons que nous pouvons compter sur elle pour ne pas franchir la limite de ce qui est admissible. Certains de nos collègues ont parlé de castration chimique, de castration physique, ce à quoi vous êtes opposée, madame la garde des sceaux. Mais reconnaissons que l’opinion s’interroge légitimement.
Je crois beaucoup en l’échange, et nous allons discuter des différents amendements qui ont été déposés par les uns et les autres, mais nous pourrions au moins nous rassembler sur les objectifs car rien ne nous oppose.
Jean-Christophe Lagarde, dont on sait l’engagement au sein de la commission des lois, m’a demandé d’évoquer l’amendement qui prévoit d’informer le maire de la présence, dans sa commune, d’un criminel dangereux. En effet, que se passera-t-il si le criminel récidive? Des citoyens pourront attaquer le maire en le jugeant responsable!
N’alourdissons pas la responsabilité des maires! C’est une question de bon sens.
Ce qui doit nous réunir, vous l’avez dit, madame la garde des sceaux, en présentant ce projet de loi, c’est la volonté d’améliorer la surveillance, notamment par le biais du casier judiciaire et des informations. Il est tout de même aberrant qu’un criminel ayant violé et tué puisse habiter en face des parents de la victime. Le législateur doit assumer ses responsabilités.
Mes collègues de l’opposition ne m’en voudront pas de le dire – ce n’est pas de la provocation –: on entend plus parler des victimes par la garde des sceaux et la partie droite de l’hémicycle. Notre premier devoir est de protéger la société, les victimes, et de sanctionner.
Depuis huit ans, nous votons des crédits pour améliorer la situation dans les prisons et c’est cette majorité qui a voté la loi pénitentiaire pour se mettre en conformité avec les règlements du Conseil de l’Europe. C’est elle également qui a institué le contrôle des lieux privatifs de liberté, et les parlementaires de la majorité sont les premiers à demander à Mme la garde des sceaux de tenir bon, lors des arbitrages budgétaires, pour avoir les moyens nécessaires au suivi des prisonniers afin qu’ils soient moins dangereux en sortant.
Vous avez également évoqué, madame la garde des sceaux, le scandale des sorties sèches. Il n’est pas normal que des gens très dangereux sortent sans avoir été traités.
Nous devons faire preuve d’une grande prudence sur ces sujets particulièrement difficiles qui nous interrogent sur la finalité même de la création humaine. L’homme n’est pas fait pour commettre des crimes, encore moins pour récidiver, mais la société est obligée de sanctionner et de protéger les victimes. Pour cela, il lui faut appliquer des lois et il faut améliorer le dispositif existant.
Avec mes collègues du Nouveau Centre, j’aborde cette discussion avec confiance dans le projet que vous nous proposez. La censure du Conseil constitutionnel portait non sur le fond, mais sur le fait que la loi ne pouvait être rétroactive. Des récidivistes ont été condamnés alors que le nouveau cadre législatif n’était pas applicable, et vous apportez des éléments de réponse. L’objectif est d’éviter de nouveaux drames. Vous êtes tous attentifs à cette question, comme moi. Nous écoutons les parents des victimes nous expliquer avec beaucoup de dignité qu’ils trouvent la force de vivre encore et, quelquefois, de pardonner aux auteurs des crimes dont ont été victimes leurs enfants, mais ils nous demandent de faire en sorte qu’il ne puisse y avoir de récidive.
Dans une démocratie apaisée, nous devrions aborder cette question en dépassant les clivages droite-gauche. On a mis en cause le Président de la République, on a prétendu que de tels faits divers viendraient conforter la majorité. Il faut raison garder et en revenir à l’essentiel.
Mon groupe, madame la garde des sceaux, mais vous n’en serez pas surprise, vous apporte tout son soutien. Essayons de trouver, au cours de la discussion des amendements, un terrain d’équilibre sur ce qui doit nous rassembler et non nous diviser. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)