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Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire de 2010-2011
Compte rendu intégral
Deuxième Séance du jeudi 16 décembre 2010
LOPPSI
Article 24 quinquies AA
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 260 rectifié.
La parole est à M. Patrice Verchère.
M. Patrice Verchère. Cet amendement vise à empêcher la prescription dans les cas de disparitions d’enfants. En effet, l’évolution des moyens d’investigation de la police technique et scientifique, les recoupements entre diverses affaires, ainsi que la rectification d’erreurs matérielles de l’institution judiciaire – comme dans l’affaire des neuf enfants disparus en Isère –, peuvent permettre, des années après les faits, d’élucider des disparitions. Il paraît donc nécessaire que les disparitions d’enfants ne fassent pas l’objet d’une prescription.
Mes chers collègues, la disparition de son enfant n’est-elle pas encore plus terrible que la mort ? Pour les familles des disparus, le deuil est impossible ; ils ne peuvent ni comprendre ni pardonner, et demeurent torturés par l’incertitude, souvent pour le restant de leurs jours.
Cependant, les familles qui ont vécu ce drame racontent aussi cette lueur d’espoir qui ne meurt jamais et qui les empêche de baisser les bras. La mère d’une enfant disparue a un jour dit qu’entre le deuil et l’espoir, elle préférait l’espoir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Ciotti, rapporteur. On peut naturellement comprendre l’objectif de cet amendement, qui me paraît tout à fait légitime, mais en droit, il aboutirait à une imprescriptibilité de fait pour les affaires en question. La commission a donc émis un avis défavorable. Je rappelle que la prescription des crimes les plus graves a déjà été allongée à vingt ans.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis que la commission. Nous comprenons bien le sens de la démarche, mais les règles en matière de prescription sont fixées par la chancellerie, et une telle mesure viendrait les contredire.
M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.
M. Michel Hunault. Je comprends l’amendement de mon collègue, et je comprends aussi la réponse du ministre sur les délais de prescription.
Mais, au-delà de ce débat juridique, monsieur le ministre, la disparition d’un être proche est un drame pour des milliers de familles. Cet amendement a trait à la disparition des enfants ; à Nantes, vous le savez, deux étudiants ont disparu au cours des quinze derniers jours.
Il serait bon, je crois, qu’un jour – peut-être pas cet après-midi – nous consacrions un moment aux moyens que le ministère de l’intérieur se donne pour rechercher ces personnes disparues. C’est toujours un drame pour leur entourage.
L’amendement de notre collègue aura au moins été l’occasion d’évoquer cette question dans l’hémicycle. Nous pourrions peut-être en rediscuter dans un autre cadre.
M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère.
M. Patrice Verchère. Je comprends la position de M. le ministre de l’intérieur : il revient peut-être plutôt au garde des sceaux de répondre à cette question. Néanmoins, on pourrait envisager un débat, non seulement sur la recherche des enfants, et plus largement des personnes disparues, mais aussi sur la prescription : peut-être faudrait-il aujourd’hui envisager d’aller au-delà des vingt ans.
Aujourd’hui, les recherches de la police scientifique peuvent se dérouler très longtemps après les faits. Les parents n’acceptent jamais ces disparitions : la recherche d’un enfant disparu, c’est le combat d’une vie, un combat de vingt ans, trente ans, quarante ans. Bien que je comprenne la position du Gouvernement, je ne retire donc pas l’amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur le député, je retiens votre suggestion et je vous propose, si vous en êtes d’accord, de vous adresser à M. le garde des sceaux. Vos propos, comme ceux de Michel Hunault, ne me choquent pas. Je ne suis pas compétent pour m’engager aujourd’hui sur ce point, mais je vous propose de saisir la chancellerie par écrit.
(L’amendement n° 260 rectifié est adopté.)
(L’article 24 quinquies AA, amendé, est adopté.)
Article 24 nonies
M. le président. Sur l’article 24 nonies, je suis saisi de deux amendements, nos 248 et 301, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement n° 248.
M. Philippe Goujon. Chacun le sait, la hausse du cours des matières premières a entraîné, depuis quelques années, une recrudescence des vols de métaux, vols qui donnent lieu d’ailleurs à une violence exacerbée.
En limitant le montant cumulé annuel de revenus qu’un particulier pourrait tirer de l’activité de ventes de métaux et de déchets de métaux aux entreprises du recyclage, la mesure que nous proposons vise à mieux encadrer ce secteur de la vente des particuliers non commerçants qui actuellement échappe quasiment à tout contrôle. Le nombre de transactions n’étant pas limité dans l’année, cela constitue – monsieur le ministre, vous devriez y être sensible – un manque à gagner pour l’État.
Compte tenu des caractéristiques socio-économiques des personnes qui viennent vendre des métaux à ces entreprises, souvent issues de populations indigentes, la fixation par décret d’un montant, l’équivalent de douze fois le SMIC ou le montant annuel de l’auto-entreprise, permettrait de réguler cette activité sans mettre en péril leurs moyens de subsistance. Au-delà de ce plafond, leur activité serait considérée comme commerciale et relèverait des obligations déclinées dans le code monétaire et financier sous peine de constituer un travail dissimulé.
Telles sont les raisons pour lesquelles je propose cet amendement, avec notamment Mme Labrette-Ménager et M. Tardy.
M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n° 301.
Mme Delphine Batho. L’objectif est le même que celui poursuivi par M. Goujon, même si notre rédaction est un peu différente : face à l’explosion des vols de métaux, nous proposons des dispositions complémentaires à celles déjà adoptées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Ciotti, rapporteur. Je comprends l’objectif extrêmement louable poursuivi par notre collègue Philippe Goujon, qui a remarquablement saisi la gravité de ce problème et qui intervient avec constance – il l’avait déjà fait en première lecture. Simplement, l’amendement semble poser deux difficultés pratiques, qui ont motivé la décision de la commission.
Son champ d’application est à la fois imprécis et extrêmement large et, surtout, son application pratique poserait problème. Comment ferait-on pour savoir que la personne a dépassé le plafond fixé ? Il faudrait créer un fichier national de ce type de transaction, ce qui, vous en conviendrez, serait extrêmement compliqué.
Cet avis vaut également pour l’amendement de Mme Batho.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Je souscris à ce que vient de dire le rapporteur sur la qualité de la présentation de Philippe Goujon – elle était très claire –, mais je voudrais souligner que cette mesure ne saurait être efficace, concrètement, que si elle était accompagnée d’une mise en place systématique, chez tous les recycleurs de métaux, d’un livret de police informatisé, organisé en réseau et consultable au niveau national. Cette disposition se heurterait donc à de lourdes contraintes. Il n’y a pas que l’État qui doit être vigilant dans cette affaire, monsieur Goujon : cela aurait un coût également pour la profession ; il faudrait faire des déclarations à la CNIL, préciser les modalités du contrôle…
Donc, tout en comprenant l’esprit de cette proposition, je considère les modalités pratiques un peu difficiles à mettre en œuvre. Cet avis vaut également pour l’amendement de Mme Batho.
M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.
M. Michel Hunault. Je voudrais simplement faire une remarque sur la qualité de nos travaux cet après-midi.
Tout à l’heure, un amendement, qui relevait du ministère de la justice, est passé sur la prescription, en l’absence du ministre de la justice. Là, je comprends tout à fait la finalité de l’amendement de notre excellent collègue Goujon, mais on pourrait étendre la lutte à tous les trafics, à toutes les fraudes, à tous les paiements qui ne laissent pas de traces. J’ai moi-même alerté le ministre du budget sur certaines transactions. Il me semblait que le ministre du budget avait lancé une réflexion pour voir comment on pouvait mettre en œuvre des moyens efficaces de lutter contre ces trafics et le recyclage de cet argent.
On peut voter tous les amendements que l’on veut, cela ne servira à rien si on ne sait pas comment les mettre en application. En outre, je pense, comme le rapporteur, que nous sommes là dans le domaine réglementaire.
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet amendement mérite un vrai débat. Il traite deux aspects : un premier, qui touche au règlement ; un second relatif à l’instauration d’un plafond annuel, lequel, j’en conviens, sera très difficile à mettre en place et à vérifier. Ce qui m’intéresse vraiment, c’est de savoir à partir de quel montant on estime que les transactions ne doivent pas se faire en liquide et doivent laisser des traces.
M. Michel Hunault. Tout à fait. C’est à un décret de le fixer !
M. Lionel Tardy. Je ne suis pas un spécialiste de ce domaine, mais je me rends compte de la forte hausse du prix des matières premières. La vente des métaux et des matières de récupération est devenue un vrai business pour certains et on a vraiment l’impression qu’il se passe des choses bizarres. Beaucoup d’argent liquide circule et j’aimerais qu’on arrive à régulariser davantage ces flux en faisant en sorte que les plafonds de paiement soient abaissés au maximum pour qu’on ait réellement une traçabilité et un contrôle des sources financières. Le flou qui entoure ces transactions pose de gros soucis dans nos circonscriptions. Il faut trouver des solutions.
S’agissant de la fixation d’un plafond annuel de transaction par décret et de la demande d’acquisition d’un statut professionnel, type auto-entrepreneur, je conçois que ce ne soit pas facile à mettre en place.
M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas votre objection, car il existe déjà un livre de police.
M. le président. La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Il y a déjà, dans le code général des impôts, un article qui prévoit l’interdiction de réaliser des transactions en espèces d’un certain montant pour l’ensemble des produits sur le territoire national.
M. Michel Hunault. En effet !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Tout cela est fixé par décret, cela va de soi, mais je crois me souvenir que le plafond est de 3 000 euros.
M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. Deux précisions. D’une part, les transactions en espèces sont évidemment proscrites. D’autre part, il existe un registre de police que les professionnels du recyclage ont l’obligation de tenir en application de l’article 321-7 du code pénal.
(L’amendement n° 248 n’est pas adopté.)
(L’amendement n° 301 n’est pas adopté.)
(L’article 24 nonies est adopté.)