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Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011
Compte rendu intégral
Deuxième séance du mardi 14 décembre 2010
LOPPSI
Suite de la discussion, en deuxième lecture, d’un projet de loi modifié par le Sénat
Discussion générale
Motion de rejet préalable
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Michel Hunault. Pour mon explication de vote sur cette motion de rejet préalable, je m’exprimerai du haut de cette tribune, monsieur le ministre.
Je vais rejeter cette motion de l’opposition, car je l’ai trouvée très excessive.
Les députés du Nouveau Centre estiment, monsieur le ministre, que nous devrions tous partager cette exigence de sécurité qu’a pour ambition d’assurer le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Comme le rapporteur l’a souligné avant moi, la première des libertés est bien la sécurité : la sécurité d’aller et venir comme la sécurité des biens et des personnes.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, vise à adapter les moyens de la police et de la gendarmerie aux nouvelles formes de délinquance : je pense notamment à l’extension de la vidéoprotection sur la voie publique et au rôle accru des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, que vous avez évoqués.
Je regrette que cette exigence de sécurité ne soit pas partagée sur tous les bancs de cet hémicycle ! Je constate que, depuis maintenant huit ans, aucun budget visant à donner les moyens nécessaires à la police et à la gendarmerie n’a été voté par l’opposition.
J’ai écouté attentivement nos collègues de l’opposition mais n’ai entendu aucune proposition en ce sens.
Je me souviens encore des critiques qui se sont élevées lors de la modification du statut de la gendarmerie nationale pour la faire passer sous votre responsabilité, monsieur le ministre, et ce dans un seul souci d’efficacité. Que n’avons-nous pas entendu alors !
Le parti socialiste a consacré, il y a quinze jours, l’une de ses premières conventions à la sécurité. Le lendemain, dans le cadre de la niche parlementaire réservée à l’examen des propositions de lois du SRC, les députés socialistes ont proposé à la représentation nationale d’instaurer « un droit pour les détenus ayant effectué les deux tiers de leur peine à sortir de prison », au motif de lutter contre la surpopulation carcérale !
Or l’une des questions essentielles est bien l’exécution des peines. Vous avez abordé tout à l’heure cette question, monsieur le ministre, dont je souligne ici l’importance alors qu’une cour d’assises va se prononcer sur la culpabilité de l’assassin de Mlle Schmidt. Le groupe Nouveau Centre vous a interpellé à plusieurs reprises sur l’exécution effective des peines et la prise en compte de la dangerosité des condamnés. Lorsqu’on évoque la sécurité, on ne peut faire l’impasse sur la prévention de la récidive.
J’ai été choqué, madame Batho, que vous ayez accusé le Gouvernement et cette majorité de surfer sur les faits divers, car ce sont de vraies questions qui nous imposent d’être vigilants.
En ma qualité de rapporteur des lois relatives à la lutte contre le blanchiment de l’argent sale et la corruption, je tiens également à vous alerter sur le poids du recyclage de l’argent sale, produit des trafics en tous genres, au premier rang desquels le trafic de drogue, le travail illicite et les filières d’immigration clandestine.
L’un de vos prédécesseurs, aujourd’hui Président de la République, a institué les groupements d’intervention régionale, lors de la précédente législature, et vous venez de créer au sein de votre ministère, vous l’avez rappelé tout à l’heure dans votre discours, une brigade spécialisée dans la lutte contre le recyclage de l’argent sale. Dans cette discussion, j’aurais souhaité que vous nous fassiez un bilan de l’efficacité de cette nouvelle structure visant à lutter contre une véritable activité économique souterraine assurant le recyclage de l’activité de la grande délinquance.
Concernant les aspects les plus modernes de la criminalité – je veux parler de la cybercriminalité –, il serait bon que la France transpose et applique les dernières directives et recommandations européennes, car le crime ne connaît ni les frontières ni les différences de compétences sur le terrain entre brigades de gendarmerie et police urbaine. Il convient, là aussi, d’adapter nos outils pour les rendre plus performants en matière de protection et de prévention, et ce dans le respect des libertés.
N’opposons pas – c’est une autre exigence sur laquelle insistent les députés du Nouveau Centre – la défense du droit à la nécessaire protection des libertés individuelles et la présomption d’innocence à la lutte contre l’insécurité. Comme M. le Premier ministre a eu l’occasion de le rappeler solennellement cet après-midi, les magistrats et les policiers appartiennent à la même chaîne pénale.
Permettez-moi, au lendemain de ce qui aurait pu être un drame dans une école maternelle, de vous demander, monsieur le ministre, de généraliser la vidéoprotection à l’approche des cités scolaires, pour lutter avec efficacité contre le trafic de drogue et le racket dont sont victimes de nombreux lycéens.
En matière de sécurité routière, l’État entend-il donner aux collectivités territoriales – aux départements pour les routes départementales, aux communes pour les routes communales – la possibilité d’installer des radars, notamment aux entrées d’agglomération et aux approches des écoles ?
J’aurai l’occasion de vous interroger au nom du groupe Nouveau Centre, lors de la discussion des articles, sur les dispositions relatives à l’utilisation des fichiers : je pense notamment aux informations délivrées à l’occasion du changement de propriétaire d’un véhicule et des cartes grises.
Je vous interpellerai également sur les obligations des fournisseurs d’accès à internet, afin d’empêcher l’accès aux sites diffusant des images de pornographie infantile.
Comment ne pas évoquer la lutte contre la délinquance sans regretter la violence et le nombre de crimes et violences diffusés sur le service public audiovisuel en première partie de programme ?
En conclusion, le défi auquel tente de répondre votre projet de loi, monsieur le ministre, c’est d’adapter les moyens offerts à nos forces de police et de gendarmerie à l’exigence de sécurité afin de rendre celles-ci plus performantes, et de lutter plus efficacement encore contre les nouvelles formes de criminalité. Ces moyens devront être utilisés dans le respect du droit.
J’évoquerai dès à présent – mais j’y reviendrai également dans le cadre de la discussion – une proposition du parti socialiste qui me semble mériter notre attention : devant ce qu’il a appelé « l’état de clochardisation » des commissariats, le sénateur maire de Dijon a suggéré que les collectivités locales financent la construction et l’entretien de ceux-ci.
Cela me semble, monsieur le ministre, une piste à étudier. Nous écouterons avec beaucoup d’attention les propositions qui seront faites à ce sujet. Dans certains cas, il est bon de prendre l’opposition au mot.
Les collectivités territoriales me semblent en effet avoir également une part à prendre dans l’entretien et la création des gendarmeries et des commissariats.
Pour toutes ces raisons et parce que le groupe Nouveau Centre vous apporte, monsieur le ministre, son appui dans votre combat contre la délinquance, j’appelle mes collègues à voter contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)