Référendum d’initiative populaire

Catégories: Assemblée Nationale, Institutions, Interventions en réunion de commission

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 16 novembre 2011

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 13

La séance est ouverte à 9 heures 45.

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.

La Commission examine tout d’abord le projet de loi organique (n° 3072) et le projet de loi (n° 3073) portant application de l’article 11 de la Constitution (M. Guy Geoffroy, rapporteur).

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Tout vient à point à qui sait attendre : nous examinons aujourd’hui le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire portant application de l’article 11 de la Constitution. La disposition dont ils sont porteurs ne sera donc pas l’Arlésienne de l’application de la révision constitutionnelle de 2008 : je veux parler de ce que l’exposé des motifs appelle à tort référendum d’initiative populaire, alors qu’il s’agit bien d’un référendum d’initiative partagée, puisque l’initiative revient au Parlement avant de s’appuyer sur le soutien de nos concitoyens.

Ces deux textes parachèvent la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 portant modernisation des institutions de la Ve République en instaurant une procédure très innovante, très attendue, voulue par un échantillon assez représentatif de députés et qui donnera un rôle moteur aux parlementaires. Je rappelle qu’elle permet à un cinquième des parlementaires, soit 185 d’entre eux qu’ils soient députés ou sénateurs – puisque le nombre de députés et de sénateurs est désormais fixé par la Constitution –, soutenu par un dixième du corps électoral, soit environ 4,5 millions de citoyens, d’inscrire une proposition de loi à l’ordre du jour politique.

La première étape de la procédure est parlementaire : elle consiste en une « initiative référendaire » signée par au moins un cinquième des membres du Parlement, portant sur une proposition de loi. Cette proposition doit porter sur l’un des trois champs habituels du référendum, rappelés dans l’alinéa premier de l’article 11 : l’organisation des pouvoirs publics ; la ratification d’un traité ; la politique économique, sociale ou, depuis 2008, à la suite des travaux constitutionnels fondés sur la Charte de l’environnement, environnementale. En revanche, la proposition de loi ne doit ni viser à abroger une disposition législative promulguée depuis moins d’un an, ni porter sur le même sujet qu’une précédente proposition de loi rejetée par référendum, ni être contraire à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel devra veiller au respect de ces conditions. Aux termes de l’article 1er du projet de loi organique, il le fera avant le début de la phase de recueil des soutiens populaires. Cela vaut bien mieux que s’il déclarait irrecevable ou inconstitutionnel un texte ayant déjà recueilli le soutien de 4,5 millions de citoyens, ce qui poserait un problème politique.

La deuxième phase, qui dure trois mois, est consacrée au recueil des soutiens populaires. Ce recueil s’effectuera sous forme exclusivement électronique – disposition contestée par un amendement de nos collègues du groupe SRC –, grâce à un site Internet créé par le ministère de l’Intérieur.

Il s’agit d’une procédure moderne, souple et adaptée à la nécessité de recueillir un grand nombre de soutiens en peu de temps. Comme le montre l’exposé des motifs, le délai de trois mois est nécessaire et suffisant ; rappelons qu’en Suisse, le recueil peut durer dix-huit mois.

En outre, le dispositif présente toutes les garanties nécessaires. L’égalité d’accès à la procédure est assurée par l’ouverture dans toutes les communes qui le peuvent de points publics d’accès à internet. J’ai moi-même déposé un amendement à ce sujet. Une commission de contrôle indépendante, composée de deux conseillers d’État, de deux conseillers à la Cour de cassation et de deux conseillers maîtres à la Cour des comptes, est chargée de surveiller les opérations de collecte afin de faciliter la tâche du Conseil constitutionnel. La liste des soutiens bénéficiera d’une publicité encadrée et temporaire, étant entendu que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), comme l’a confirmé l’audition de ses représentants, assimile le soutien populaire à une pétition plutôt qu’à un vote.

Enfin, afin de garantir la régularité et la sincérité des opérations de collecte, le projet de loi ordinaire instaure un dispositif répressif sanctionnant l’usurpation d’identité, le vol de données et les pressions exercées sur les citoyens en vue d’obtenir le soutien à une initiative référendaire.

Une fois vérifiée par la commission de contrôle, la liste des soutiens est transmise au Conseil constitutionnel qui exerce son contrôle à son tour. Une fois la décision du Conseil constitutionnel rendue, s’ouvre alors la troisième phase : la phase parlementaire. Le Parlement dispose d’un an pour examiner la proposition de loi. J’ai déposé un amendement rédactionnel, mais qui n’est pas sans conséquences sur l’esprit dans lequel cette règle devra être appliquée, et qui vise à remplacer le terme de « lecture » par celui d’ « examen ». Cet examen par le Parlement met fin à la procédure quelle que soit l’issue de la discussion, ce qui résulte de l’article 11.

En l’absence d’examen par le Parlement, le texte est obligatoirement soumis au référendum par le Président de la République dans un délai de quatre mois. Le texte soumis à référendum ne peut être que le texte initial de la proposition de loi, ce qui résulte là aussi de l’article 11.

Au total, le dispositif est très largement satisfaisant. Cela étant, j’ai déposé plusieurs amendements tendant à l’améliorer. Ainsi, certains délais devraient être précisés ou aménagés. Le rapport le montrera, la durée totale de la procédure serait au maximum de vingt-trois mois, dont quinze absolument irréductibles : les trois mois de recueil des soutiens et l’année au terme de laquelle le Parlement doit avoir examiné la proposition de loi. Nos concitoyens doivent donc identifier clairement les phases successives et les délais auxquels elles sont soumises.

D’autre part, on peut offrir aux citoyens de meilleures garanties, en prohibant et en sanctionnant pénalement la reproduction des données collectées pendant la phase de recueil des soutiens populaires ; en précisant que ces données seront détruites au bout d’un certain temps ; en prévoyant de consulter la CNIL sur le décret d’application de la loi organique précisant les modalités de traitement des données personnelles collectives et en accroissant l’impartialité de la commission de contrôle et les possibilités de saisine offertes aux citoyens.

En outre, la phase parlementaire devra faire l’objet d’ajustements. En effet, le Parlement dans son ensemble devant être saisi avant un an, un rejet en première lecture par la première chambre ne doit pas empêcher la seconde d’examiner le texte à son tour. De même, nous devons éclairer nos concitoyens sur ce que nous entendons par « lecture » et « examen » de la proposition de loi par nos assemblées, afin de nous conformer à l’esprit de la réforme constitutionnelle. De plus, le Conseil constitutionnel étant désormais doté, ce qui est normal, d’un pouvoir d’examen a priori, il faut éviter que son contrôle n’interfère avec celui du Conseil d’État.

Enfin, le dispositif pénal mérite d’être allégé, car certaines des peines prévues sont notablement plus sévères que celles qui sanctionnent des infractions comparables en matière électorale.

Vous l’aurez compris, votre rapporteur, sous la réserve mineure de l’adoption de ces amendements, émet un avis très favorable à l’adoption de ces deux textes.

M. Michel Hunault. On ne peut que se réjouir de ces textes très attendus. Toutefois, si le contrôle de la constitutionnalité de l’objet du référendum ne posera pas de problème à propos de l’organisation des pouvoirs publics ou de la ratification d’un traité, il n’en ira pas de même lorsqu’il s’agira de juger si le texte touche à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation. Dans ce cas, que va-t-on demander au Conseil constitutionnel ? S’appuiera-t-on sur la jurisprudence de la question prioritaire de constitutionnalité ? Ne fait-on pas sortir le Conseil de ses attributions en l’érigeant en cour suprême à propos d’une procédure qui va susciter un grand espoir chez nos concitoyens ?

………………

 

M. le rapporteur. Monsieur Hunault, le Conseil constitutionnel appliquera sa jurisprudence habituelle, qui inclut désormais la jurisprudence tirée des questions prioritaires de constitutionnalité, sans s’y réduire. Vous demandez ce que penseront nos concitoyens d’un contrôle a priori du Conseil constitutionnel. Mais que penseraient-ils si on les laissait étudier un texte dont tous ne tarderaient pas à s’apercevoir, peut-être grâce aux questions prioritaires de constitutionnalité, qu’il était contraire à la Constitution ? Vos préoccupations sont légitimes, mais l’article 11 et le projet de loi organique devraient vous satisfaire.

La Commission adopte l’ensemble du projet de loi organique modifié.