Situation des prisons et maisons d’arrêt en Europe

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SESSION DE 2004

(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la onzième séance

27/04/2004 à 15:00:00

Situation des prisons et maisons d’arrêt en Europe

LE PRÉSIDENT (Interprétation) indique que l’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Hunault, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (document. 10097), auquel il donne la parole.

M. HUNAULT (France). Monsieur le Président, préoccupés par la situation dans les prisons, à l’initiative de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de notre assemblée, nous sommes appelés cet après midi à discuter du projet d’élaboration d’une Convention pénitentiaire européenne.

Déjà, en 1995, l’Assemblée parlementaire a adopté une Recommandation relative aux conditions de détention dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, dans laquelle elle se déclarait préoccupée par la forte augmentation de la population pénitentiaire en Europe et par la détérioration des conditions de détention.

Neuf années après, l’Assemblée constate avec inquiétude que la situation s’est aggravée, justifiant l’élaboration d?un cadre plus contraignant. En effet, les conditions de vie dans de nombreuses prisons et maisons d’arrêt sont devenues incompatibles avec le respect de la dignité de la personne humaine. Il convient donc aujourd’hui d’élaborer un cadre général s’imposant à tous les acteurs de la chaîne pénale, leur rappelant les droits et obligations des détenus rassemblés dans une Convention pénitentiaire européenne.

L’élaboration de cette Convention s’inscrit en complément des outils existants qu’il convient de rappeler et de saluer pour leurs travaux. Je citerai la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, le Comité de prévention de la torture, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants des Nations Unies, la Convention européenne pour la surveillance des personnes condamnées.

Mais aujourd’hui, une nouvelle étape doit être franchie avec des propositions concrètes pour une nouvelle convention. C’est pourquoi l’Assemblée parlementaire propose le vote d’une Convention européenne pénitentiaire qui fixe des normes et des critères communs aux Etats membres du Conseil de l’Europe permettant d’harmoniser les peines, les conditions de détention et le contrôle pour leur application.

La philosophie générale de cette Convention est de doter l’Europe, dans le domaine judiciaire et pénitentiaire, d’un système de contrôle permettant de garantir une surveillance de l’ensemble des acteurs du système judiciaire pénal depuis le moment de la garde à vue et des conditions de détention avant et après jugement.

Je tiens à saluer le travail réalisé en liaison avec l’Union européenne et le Parlement européen pour élaborer cette Convention européenne. Je voudrais saluer tout particulièrement notre collègue Turco, et saluer aussi les différentes contributions de nos délégations parlementaires qui, à l’occasion de mes visites, m’ont aidé à élaborer le rapport et ce projet de convention ainsi que le président de la commission juridique et des droits de l’homme et l’ensemble des administrateurs.

Aujourd’hui, il convient de présenter les grandes lignes de cette convention. Je voudrais souligner les valeurs sur lesquelles nous avons voulu porter l’accent. L’élaboration de cette convention vise à assurer la dignité de la personne humaine, à préserver la présomption d’innocence avant le jugement, notamment dans les conditions de garde à vue, mais aussi une surveillance accrue et le contrôle de l’ensemble des lieux privatifs de liberté, à favoriser l’accès à l’avocat lors de la garde à vue, le droit et la garantie à un jugement équitable et à ne pas admettre les juridictions d’exception qui sont souvent la justification de procès bâclés et des atteintes à la dignité humaine. Enfin, pour des conditions de détention inspirées par la réinsertion des détenus, il faut faciliter les visites, les rapports avec les familles et la mise en place d’un contrôle permanent.

Dans leur ensemble, des recommandations prévues dans cette convention européenne traitent de toutes les étapes dès le moment de la privation de la liberté: de l’arrestation, aux conditions de détention provisoire et à l’après jugement. Elle tend à établir un cadre normatif qui soit une référence pour l’ensemble des législations des pays composant notre Assemblée parlementaire. L’affirmation de ces principes vise à concilier la nécessaire protection de la société face aux agissements criminels et délictuels et la nécessaire fermeté envers leurs auteurs tout en rappelant le sens de la peine qui ne doit pas s’accompagner de traitements dégradants portant atteinte à la dignité de la personne incarcérée.

L’adoption de ces principes, sous l’égide d’une Convention pénitentiaire du Conseil de l’Europe, devra s’accompagner et se traduire par des moyens budgétaires accrus pour moderniser et adapter les établissements pénitentiaires et orienter les détenus vers leur réinsertion.

L’abolition de la peine de mort sur l’ensemble de notre continent et l’allongement des peines posent des problèmes spécifiques. L’éloignement et l’isolement des détenus condamnés à de longues peines ne peuvent servir de prétexte à un recul du respect des droits les plus fondamentaux de la dignité de la personne.

Le suivi des prisonniers, l?ouverture à un meilleur accès des lieux privatifs de liberté aux organisations non gouvernementales semblent aussi le gage d’une application concrète de la convention que nous serons appelés à adopter tout à l’heure.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pourrait utilement débattre du respect de l’application de cette convention en donnant à sa commission des questions juridiques et des droits de l’homme des compétences élargies et des moyens de contrôle sur la situation des prisonniers.

Dans une démocratie et dans un contexte budgétaire et économique difficile, il n’est pas aisé de sensibiliser les pouvoirs publics à la situation dans les prisons, face à une opinion publique animée de sentiments de sévérité.

Pour autant, le respect de la dignité de la personne humaine ne doit pas s’arrêter aux portes des prisons. L’objet de cette convention pénitentiaire est d’établir un cadre qui s’applique à tous les pays membres de notre Assemblée et qui devra être ratifiée par les parlements nationaux.

Aujourd’hui, c’est un peu plus d’humanité que notre Assemblée fait entrer dans tous les lieux privatifs de liberté. (Applaudissements)

(…)

LE PRÉSIDENT (Interprétation) constate que la liste des orateurs est épuisée. Il appelle la réplique de la commission et donne la parole au rapporteur.

M. HUNAULT (France). Je tiens à remercier tous les orateurs qui sont tous intervenus dans le sens de cette charte et de la nécessité d’élaborer des règles communes.

Je reviens sur les interventions relatives à la situation des femmes en prison, notamment des mères de jeunes enfants. Il est vrai que les visites que j’ai effectuées au nom de votre assemblée, concernaient les situations les plus dramatiques. En tout cas, vous avez eu raison d’intervenir pour demander la modification des règlements afin d’éviter l’incarcération des femmes lorsqu’une solution alternative peut être trouvée. Si ce n’est pas possible, il conviendrait de trouver des lieux de détention appropriés car la séparation des mères et des jeunes enfants, notamment, de ceux qui sont nés en prison, soulève des problèmes très spécifiques.

Vous avez également eu raison d’appeler l’attention sur le cas des personnes qui séjournent dix, quinze ou vingt jours dans des centres de rétention administratifs. La convention a pour objectif de s’appliquer à l’ensemble des personnes privées de liberté. L’orateur de la délégation hongroise a souhaité des précisions, mais le sujet est bien vaste. L’idée consiste à élaborer sous l’égide de notre Assemblée parlementaire des normes et des règles qui s’appliquent à tous les détenus. Je me souviens, et je parle sous le contrôle du président de la commission juridique, que l’ensemble des collègues voulaient étendre cette convention à d’autres lieux où les personnes sont privées de liberté. Le fait d’avoir des règles applicables à tous les détenus me semblent déjà être un progrès.

Je conclurai sur la proposition de notre collègue turque, qui s’est exprimée en français. L’adoption d’une recommandation, a t elle dit, aurait permis d’accélérer les choses. L’essentiel est que notre Assemblée donne un signe et qu’elle soit vigilante quant au respect de normes qui ne sont plus respectées. Au delà du travail du comité de prévention de la torture, il convient de mettre un peu d’humanité en tous ces lieux qui en ont bien besoin. (Applaudissements)