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Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire de 2010-2011
Compte rendu intégral
Première Séance du lundi 20 décembre 2010
Élection des députés
Élection de députés par les Français établis hors de France
Transparence financière de la vie politique
Discussion d’un projet de loi organique, d’un projet de loi et d’une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique relatif à l’élection des députés nos 1887, 3025), du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l’élection de députés par les Français établis hors de France (nos 1894, 3026) et de la proposition de loi portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique (nos 2562, 3027).
Motion de rejet préalable relative à l’élection des députés
M. Michel Hunault. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d’intérêt et d’attention. Au nom de mon groupe, je voterai contre la motion de rejet préalable parce que ce projet de loi apporte, avec les amendements votés par la commission des lois, une réponse à un certain nombre de questions soulevés par la Commission pour la transparence financière de la vie politique et par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Nous avons intérêt à ce que ressorte de notre discussion un texte qui reprenne les objectifs et les amendements approuvés par la commission des lois.
Néanmoins, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je vous dis tout net que le groupe Nouveau Centre s’opposera avec force aux amendements qui contredisent des dispositions que nous avons adoptées unanimement en commission.
Nous avons prévu une incrimination pour fausse déclaration de patrimoine, et je souhaite, monsieur le ministre, que nous restions dans ce consensus, qui reflète une exigence communément partagée, autant par la droite que par la gauche, en matière d’éthique et de transparence de la vie politique.
J’aurai l’occasion de rappeler que c’est plutôt de ce côté-ci de l’hémicycle et de cette majorité qu’ont été votés un certain nombre de textes qui ont amélioré considérablement les conditions de financement de la vie politique et la transparence, comme l’a évalué récemment le GRECO – le groupe d’États contre la corruption.
C’est pourquoi j’invite mes collègues à rejeter la motion de rejet préalable défendu par M. Dosière.
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)
Motion de renvoi en commission relative à l’élection des députés
M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement, sur le projet de loi organique relatif à l’élection des députés.
……..
M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Michel Hunault. Le groupe Nouveau Centre s’oppose à la motion de renvoi en commission.
En expert des questions financières de la vie politique, vous avez, monsieur Dosière, posé de vraies questions, que d’autres parlementaires ont déjà posées à M. le ministre, dont celui qui parle en ce moment, par le biais de questions écrites au Gouvernement concernant les informations dans la presse et les micropartis.
Mais, quand on aborde ce genre de questions, monsieur Dosière, il faut faire très attention. Êtes-vous sûr que le groupe parlementaire du parti socialiste soit à l’abri ?
Pour répondre clairement à la question de notre collègue Dosière, je crois que nous aurions intérêt, monsieur le ministre, à ce que le Gouvernement, dans un souci de transparence, aide à la publication de tous les micropartis. Nous nous apercevrions peut-être qu’il y en a plus dans l’opposition que dans la majorité.
Deuxièmement, M. Dosière a évoqué le financement des campagnes électorales. Selon moi, il n’a pas eu tort de poser la question de la multitude des candidatures qui apparaissent l’espace des élections législatives, car des sectes, à travers de faux partis, viennent ainsi capter l’argent public. En dehors de la caricature de M. Dosière, il s’agit là d’une vraie question, qui a été soulevée dans l’hémicycle à plusieurs reprises.
Vous venez de prendre vos fonctions, monsieur le ministre, mais je sais que vous êtes très attentif à ces questions. Je pense que nous aurions intérêt – je propose à nos collègues de l’opposition une autre méthode – d’avoir un groupe parlementaire de tous bords pour étudier les améliorations – par voie législative ou par voie réglementaire – qui pourraient être apportées pour les financements des campagnes dès les échéances de 2012.
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)
Discussion générale commune
M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Michel Hunault.
M. Michel Hunault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si les trois textes dont nous commençons cet après-midi l’examen se rejoignent dans leur dimension électorale, l’objet de notre discussion n’en sera pas moins double, et même, en réalité, triple.
Il s’agit, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, dans un premier temps d’adapter notre code électoral à l’entrée en vigueur, à compter du prochain renouvellement général de notre assemblée, de la disposition de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui prévoit que nos compatriotes établis hors de France fassent désormais l’objet d’une représentation spécifique sur les bancs de cet hémicycle.
C’est l’objet de l’ordonnance du 29 juillet 2009, qu’il nous est proposé de ratifier. C’était également l’objet initial du projet de loi organique relatif à l’élection des députés.
Sur ce point, les éléments qu’il nous revient de trancher par cette discussion sont des plus limités.
L’existence au sein de cette assemblée de députés représentant les Français établis hors de France a en effet été décidée voici maintenant plus de deux ans par le constituant, et ne fait ainsi plus débat.
Par ailleurs, les questions connexes les plus essentielles, à savoir le nombre de ces députés et le mode de scrutin qui présidera à leur élection, ont également déjà été tranchées, notamment par la loi du 13 janvier 2009.
Le législateur a donc retenu le principe d’une élection au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, et le monde s’est ainsi vu découper en onze nouvelles circonscriptions législatives.
C’est important pour nos compatriotes établis hors de France, qui sont désormais au nombre de 2 200 000, de pouvoir être représentés à l’Assemblée nationale et non plus seulement au Sénat. Toutefois, reconnaissons que ce ne sera pas un mandat facile puisqu’un député aura la lourde charge de sillonner des circonscriptions très vastes.
Pour l’essentiel donc, notre discussion sur ce point se limite à débattre des adaptations du code électoral proposées par le Gouvernement pour prendre en compte la création de sièges de députés élus par les Français établis hors de France.
À ce titre, je veux saluer la qualité du travail effectué par le Gouvernement dans la rédaction de cette ordonnance. Si nombre de questions relatives aux conditions dans lesquelles ces députés seront en mesure d’exercer leur mandat restent posées, celles-ci relèvent davantage de la compétence du Bureau de notre assemblée que de celle du législateur.
J’en viens au deuxième objet de cette discussion, qui aura sans doute plus que le premier retenu l’attention : je pense à l’entreprise de simplification et d’actualisation de certaines dispositions organiques du code électoral, devenue à l’initiative du président de la commission des lois l’occasion de renforcer la transparence financière de la vie politique sur la base tant des conclusions du rapport commandé par le président de l’Assemblée nationale à notre ancien collègue Pierre Mazeaud que des préconisations de la Commission pour la transparence financière de la vie politique.
À ce titre, au-delà de mesures telles que l’abaissement de l’âge requis pour se présenter aux élections législatives, les dispositions du projet de loi organique que vous nous proposez d’adopter et de la proposition de loi de nos collègues poursuivent un double objet puisqu’il s’agit, d’une part, de répondre à certains dysfonctionnements observés lors du dernier renouvellement de notre assemblée et, d’autre part, de renforcer les moyens juridiques de l’exigence de transparence financière qui entoure la vie politique.
Nous serons nombreux, je crois, à saluer non seulement l’opportunité de mesures telles que l’extension au contentieux de l’élection législative du régime de la bonne foi auquel le Conseil d’État a, à l’heure actuelle, déjà recours en ce qui concerne, par exemple, les élections cantonales – le rapporteur y a fait référence tout à l’heure –, mais également la disposition visant à créer, au bénéfice de tout candidat, un véritable droit opposable, à l’ouverture, dans l’établissement de son choix, d’un compte bancaire en vue d’une campagne électorale.
Pour sa part, la question de la transparence financière de la vie politique échappe au seul terrain de la technique juridique pour toucher à celui, bien plus large, de la moralité de la vie publique.
Il importe que le politique prenne toute la mesure de l’exigence d’exemplarité dans laquelle il se doit d’inscrire son action.
En la matière, le groupe Nouveau Centre soutient bien évidemment l’ensemble des mesures, proposées par ce texte, qui visent à enrichir les informations devant être fournies à la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Nous vous proposerons également d’étendre la liste des personnes soumises à cette obligation de déclaration de patrimoine en intégrant dans le champ de la loi de 1988 les membres des exécutifs des collectivités locales, qui gèrent des sommes très importantes, quelquefois supérieures au budget de certains ministères. À bien des égards et compte tenu des montants désormais atteints par les budgets des collectivités locales, il serait étonnant que l’évolution en cours de mandat, du patrimoine d’un membre de l’exécutif continue d’échapper à tout contrôle.
Je voudrais aussi aborder un point aujourd’hui absent de nos débats, les conséquences à tirer de l’abrogation voulue par le Conseil constitutionnel, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, de l’article L. 7 du code électoral. Je souhaite à titre personnel qu’une personne qui a fait l’objet, dans l’exercice de ses mandats, d’une condamnation pénale pour délit financier ne soit pas éligible. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Monsieur le ministre, vous avez eu raison d’évoquer le Conseil de l’Europe. J’ai eu l’honneur d’y siéger pendant dix-sept ans, jusqu’à ces dernières semaines, et d’y avoir voté diverses recommandations, notamment la convention pénale et la convention civile contre la corruption. J’ai également eu l’honneur d’être rapporteur du projet de loi relatif à la lutte contre la corruption de septembre 2007, qui les transposait en droit interne. Le Conseil de l’Europe a surtout institué le GRECO, qui permet aux quarante-sept États du Conseil de lutter contre la corruption par le biais d’un processus d’évaluation et, surtout, par la transparence de la vie financière.
Vous avez eu raison de le rappeler, et personne ne peut le contester dans cet hémicycle – surtout pas l’opposition –, notre droit interne dispose en la matière des standards les plus évolués. Il faut voir, aussi, d’où nous partons. J’ai entendu la motion de renvoi défendue par l’opposition. Il ne faudrait pas, tout à l’heure, à l’occasion de la discussion de tel ou tel amendement, faire table rase du passé. C’est cette majorité qui, depuis vingt ans, a transposé les standards internationaux en matière de transparence de la vie financière – et cet élan ne fut pas interrompu entre 1997 et 2002, car M. Jospin y fut également attentif. Alors que, il y a vingt ans, il n’existait aucun texte à ce sujet, les campagnes électorales sont aujourd’hui soumises à un contrôle très strict. On voit le chemin qui a été parcouru.
Le présent texte met en œuvre les objectifs de la Commission de la transparence de la vie politique et de la Commission de contrôle des comptes de campagne. Certes, il y a des améliorations à apporter, et le groupe Nouveau Centre est prêt à participer à ce travail. Ce texte vise à prendre en compte le cas de certains de nos collègues qui ont été sanctionnés par des peines d’inéligibilité, bien que leur intégrité n’ait jamais pu être mise en cause.
Il suffisait parfois que le trésorier de leur campagne décède et soit remplacé par un autre, pour qu’ils voient leurs comptes invalidés pour des erreurs de moins de cinquante euros versés en espèces. Il fallait améliorer le texte pour éviter que, dans de telles circonstances, leur honneur soit sali et leur élection annulée.
Toutefois, nos concitoyens ont aujourd’hui de grandes exigences éthiques. Vous avez regretté, monsieur le ministre, que ce texte soit examiné avant que la commission de réflexion sur les conflits d’intérêts ne rende ses conclusions. Puis-je vous rappeler, très respectueusement, que le Gouvernement a encore la main sur l’ordre du jour de notre assemblée ? Je ne vois cependant aucune contradiction entre les deux événements. Le président de l’Assemblée nationale a invité tous les groupes parlementaires à participer aux travaux du groupe de travail. J’ai le sentiment que ce projet de loi n’est qu’une étape et je suis sûr que le Gouvernement acceptera que nous menions une réflexion sur les conclusions du groupe de travail sur la prévention des conflits d’intérêts. S’il faut aller encore plus loin dans la transparence de la vie politique, le Gouvernement ne manquera pas de nous le proposer.
Enfin, j’ai été rapporteur de la loi sur le blanchiment et je sais que nous disposons d’instruments de contrôle du patrimoine des élus, d’obligations de déclaration de soupçons, et que nous avons TRACFIN, cellule de veille et de contrôle. Certains de nos collègues parlementaires n’ont-ils pas dû justifier des mouvements qui n’apparaissaient pas très clairs ?
Nous avons intérêt, lors de l’examen des articles, à conserver un certain consensus sur les objectifs du projet de loi. Nous discuterons des amendements, mais, de grâce, ne jetons pas la suspicion sur un côté ou l’autre de l’hémicycle.
Tous, nous sommes attachés à améliorer encore les systèmes de transparence. Vous avez eu raison, monsieur le ministre, de vous référer au GRECO pour dire que, parmi les démocraties, la France s’était dotée d’un des arsenaux les plus transparents.